L'indemnisation des victimes de l'amiante

Les maladies résultant de l'inhalation de poussières d'amiante qui peuvent survenir de 10 à 40 ans après l'exposition, sont prises en compte au titre des maladies professionnelles, selon le cas depuis 1945 ou 1996. L'arbestose et le mésothélome sont inscrits au tableau 30 des maladies professionnelles et les cancers broncho-pulmonaires au tableau 30 bis.

Les deux tableaux liés aux maladies de l'amiante n'ont pas la même signification. Le tableau 30 est pris au titre de l'alinéa 1 de l'art. L. 461-2 du code de la sécurité sociale qui indique que le tableau doit donner la liste indicative des travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents nocifs. Alors que le tableau 30bis a été pris au titre de l'alinéa 3 du même article qui stipule que le tableau détermine les affections présumées résulter d'une ambiance ou d'attitudes particulières nécessitées par l'exécution de travaux dont la liste limitative est indiquée.

Lorsque la maladie professionnelle est reconnue, la victime reçoit une indemnisation forfaitaire (une rente) qui est calculée en fonction de son salaire (L. 434-1 et suivants du Code de la  sécurité sociale) et à sa mort, le conjoint survivant a droit à une rente viagère et ses enfants, jusqu'à un âge limite, à une rente qui correspond à un certain pourcentage du salaire annuel de la victime (art. L. 434-7 et suivants).

Les juridictions administratives lorsqu'elles ont été saisies se sont montrées favorables à l'indemnisation des victimes. Le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 7 juillet 1998, a ainsi pris en compte une "simple" exposition environnementale à l'amiante dans le cas d'un instituteur dont la classe était floquée d'amiante et qui décéda d'un mésothélome. L'hypothèse n'était pas prévue dans la liste des travaux énumérés par  le tableau n° 30 des maladies professionnelles. Le tribunal administratif de Marseille dans quatre jugements du 30 mai 2000 a admis, au-delà du contentieux de la reconnaissance d'une maladie professionnelle, que la responsabilité de l'Etat était engagée. Il a estimé que celui-ci a commis une faute en prenant avec retard des mesures de protection des salariés exposés à l'amiante et en ne transposant pas  immédiatement des directives communautaires réduisant les seuils d'exposition. Faisant implicitement application de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 10 juin 1994, Mme Behm, il a admis une présomption d'imputabilité de la maladie à l'exposition aux agents nocifs (poussières d'amiante), non seulement dans les deux espèces où les victimes étaient atteintes d'un mésothélome, mais aussi dans les deux autres où les  victimes étaient atteintes de cancers broncho-pulmonaires qui peuvent avoir d'autres causes (comme le tabagisme).

Il est vrai que si les risques liés à l'amiante sont connus depuis 1931, des mesures de prévention n'ont commencé à être prises qu'à partir de 1977. Le tournant radical résulte du rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), de 1996, intitulé "Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante", très critique à l'égard des pouvoirs publics. Ceux-ci furent mis en cause pour s'être bornés à l'indemnisation des maladies professionnelles liées à l'amiante sans prendre en compte sa dangerosité. Ce n'est qu'en 1996 que l'interdiction de l'utilisation de l'amiante fut édictée ainsi que diverses mesures visant à faire disparaître les risques existants par des travaux de désamiantage.

Comme de plus l'indemnisation au titre de maladie professionnelle ne répare pas tous les chefs de préjudice, il était prévisible que les contentieux visant à obtenir une réparation plus large en établissant la responsabilité des entreprises, et surtout de l'Etat, se multiplient devant les diverses juridictions (civiles, pénales, administratives).

Aussi les pouvoirs publics ont-ils cherché à circonscrire les litiges. La loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé par son art. 41 un Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA). Ce dispositif devait être complété en ce qui concerne les nombreuses victimes de maladies liées à l'amiante.

Cela fut fait par la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante par l'art. 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001. Le fonds d'indemnisation est un établissement public national à caractère administratif dont le contentieux des décisions relève de la juridiction judiciaire. Le mécanisme est globalement inspiré de celui adopté en matière d'indemnisation des victimes du HIV tout en cherchant à éviter certaines de ses faiblesses. Ainsi, la loi indique expressément que l'acceptation de l'offre du fonds a pour corollaire l'abandon de toute action contentieuse.

La procédure d'indemnisation ainsi instituée présente des avantages pour diverses parties. D'abord, pour les victimes, car elle permet une indemnisation beaucoup plus rapide que par la voie contentieuse, et cet avantage est appréciable pour les victimes du cancer de la plèvre dont l'espérance de vie est  courte  lorsque la maladie s'est déclenchée (environ un an et demi). Ensuite, pour le bon fonctionnement de la justice dont la charge de travail se trouve allégée d'autant (annuellement, de plusieurs centaines de dossiers). Enfin, le système d'indemnisation par le fonds canalise et régule les récriminations et les plaintes et atténue ainsi l'impact médiatique de ces drames et les risques de mises en cause de décideurs publics, fonctionnaires et hommes politiques. 

Quoi qu'il en soit de l'indemnisation, ces dernières années ayant montré, dans divers domaines, les revers des progrès techniques (HIV et SIDA, hépatite C, divers cancers dont ceux provoqués par l'amiante, infections nosocomiales, etc.), la prise en compte du principe de précaution par les décideurs publics apparaît donc comme salutaire. Dans un Etat développé, la mémoire des défaillances, la mise en cause des responsables et le coût financier des indemnisations sont d'indispensables contrepoids à l'influence des facteurs économiques en encourageant à  la prise en compte attentive de la santé des populations.


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