Défense nationale et mariage avec une personne de nationalité étrangère

Aux termes de l'art. 14 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, les militaires souhaitant se marier doivent solliciter l'autorisation du ministre de la défense dans deux hypothèses : 1° lorsque le futur conjoint est de nationalité étrangère; 2° pour les militaires servant à titre étranger (comme certains légionnaires). Par un arrêt récent du 15 décembre 2000, M. Nerzic, le Conseil d'Etat rappelle que le mariage est un droit fondamental et que le refus du ministre d'autoriser le mariage ne peut être fondé que sur des motifs tirés de l'intérêt de la défense nationale.

Or, M. Nerzic, officier affecté au centre de production alimentaire de Coëtquidan, était titulaire de l'habilitation au secret défense qui peut être légalement refusée ou retirée si les liens familiaux de l'intéressé avec des étrangers font craindre des pressions de puissances étrangères (CE 13 juin 1997 M. P.). Et la direction de la protection et de la sécurité de la défense avait dans son avis estimé que son mariage avec une ressortissante éthiopienne n'avait pas d'incidence sur son habilitation.

Le Conseil d'Etat a donc annulé, pour erreur d'appréciation, le refus du ministre d'autoriser le mariage. C'est la seconde fois que la haute juridiction est saisie d'un recours contre un refus d'autorisation de mariage. En 1980, elle avait également annulé un refus ministériel mais il s'agissait alors du mariage d'un diplomate (CE 18 janvier 1980 M. Bargain). Le fondement de l'annulation fut alors tout autre : le Conseil d'Etat avait considéré que le mariage étant une des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires, aux termes de l'art. 34 de la Constitution, il ne pouvait y être porté atteinte que par une loi. En son absence, le refus ne reposait   sur aucune base légale et était donc illégal.

En fait, au fil du temps, le champ de l'autorisation de mariage s'est de plus en plus réduit, et elle concerne actuellement surtout les militaires et certains fonctionnaires civils du ministère de la défense; comme ceux de la Direction générale des services extérieurs, d'ailleurs soumis à un statut  particulier. Ainsi dans l'affaire W., la Cour administrative d'appel de Paris eut à connaître de la sanction prise à l'égard d'un agent civil de la DGSE, sa mise en disponibilité d'office pour deux ans, en raison d'un mariage non autorisé avec une ressortissante marocaine.

Toutefois, il n'est pas douteux que le fait d'être marié avec une personne d'origine étrangère ou d'avoir une origine étrangère, surtout lorsque des parents sont restés dans le pays d'origine, sont de nature à justifier légalement le refus d'une demande d'engagement dans des services considérés comme sensibles ou de fonder des refus d'habilitation au secret-défense en raison des risques de pressions par une puissance étrangère.


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