Loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias (Lien Legifrance, JO 15/11/2016)

Les principales dispositions
    La loi de 28 articles après la décision du Conseil constitutionnel (30 articles avant), issue d'une proposition parlementaire, a pour objet "de renforcer les garanties des principes constitutionnels de liberté, de pluralisme et d'indépendance des médias tant en ce qui concerne les médias audiovisuels que la presse, qu'elle soit imprimée ou en ligne". Issues d'amendements parlementaires, les dispositions renforçant la protection du secret des sources des journalistes (art. 4) ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

    Un droit d'opposition est conféré aux journalistes : il leur permet, d'une part, de refuser de divulguer leurs sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d'émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à leur insu ou contre leur volonté (art. 1er ajoutant l'art. 2 bis dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse). D'autre part, il fait obstacle à ce que les journalistes puissent être contraints à accepter un acte contraire à leur conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de leur entreprise ou de sa société éditrice. Toute convention ou tout contrat de travail signé entre un journaliste professionnel et une entreprise ou une société éditrice de presse ou de communication audiovisuelle entraîne l'adhésion à la charte déontologique de l'entreprise ou de la société éditrice. Les modalités de négociation et de conclusion de ces chartes, sont prévues et, en leur absence, les déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste peuvent être invoqués en cas de litige. Auparavant le droit d'opposition n'était reconnu qu'en faveur des journalistes de l'audiovisuel public

    Un exemplaire de la charte déontologique est remis à tout journaliste lors de son embauche et à tout journaliste déjà employé dans une entreprise de presse, de publication quotidienne ou périodique, une agence de presse, une entreprise de communication au public par voie électronique ou de communication audiovisuelle, dans un délai de trois mois suivant l'adoption de la charte par cette entreprise ou cette agence (art. 2 ajoutant l'art. L. 7111-5-2 dans le code du travail). 

    Le comité d'entreprise de toute entreprise de presse, de toute publication quotidienne ou périodique, de toute agence de presse ou de toute entreprise de communication au public en ligne ou de communication audiovisuelle est informé chaque année sur le respect par celle-ci du droit d'opposition (art. 3 ajoutant l'art. L. 7111-11 dans le code du travail).

    La protection des lanceurs d'alerte s'applique aux personnes ayant relaté ou témoigné de bonne foi, en dernier ressort, à un journaliste (art. 5 complétant plusieurs art. de divers codes et lois). Corrélativement, le témoignage auprès d'un journaliste est ajouté dans les cas de dénonciation calomnieuse (art. 5 complétant l'article 226-10 du code pénal).

Titre Ier Liberté, indépendance et pluralisme des médias audiovisuels (art. 6 à 14)
    Le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) reçoit pour mission, d'une part, de garantir l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent et, d'autre part, de veiller à ce que les conventions conclues avec les éditeurs de services de télévision et de radio garantissent le droit d'opposition (art. 6 complétant l'art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication).

    Les conventions conclues entre le CSA et les éditeurs de services de radio ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre et les opérateurs de services diffusés par câble, satellite et ADSL intègrent les mesures à mettre en œuvre pour garantir le respect des principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme de l'information et des programmes (article 7 et 8 complétant les articles 28 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986).

    Le CSA peut tenir compte du respect passé des principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent, à un double niveau : d'une part, pour la reconduction simplifiée de l'autorisation hors appel à candidatures et, d'autre part, pour la délivrance des autorisations lorsque le candidat est arrivé au terme de son autorisation initiale (articles 9 et 10 portant sur les article 28-1 et 29 de la loi du 30 septembre 1986).

    La présence de comités relatifs à l'honnêteté, l'indépendance, le pluralisme de l'information et des programmes est généralisée au sein des services de radio et de télévision nationaux par voie hertzienne terrestre qui diffusent des émissions d'information politique et générale (art. 11 modifiant l'art. 30-8 de la loi du 30 septembre 1986). Composés de personnalités indépendantes, ces comités ont pour mission de contribuer au respect des principes d'honnêteté, d'indépendance et du pluralisme de l'information et des programmes. Ils pourront se saisir de leur propre initiative ou être consultés pour avis à tout moment par la direction de la société ou par toute personne de manière à informer le CSA afin de lui permettre d'en tirer toute conséquence utile sans qu'il soit porté atteinte à la capacité de l'instance de régulation d'exercer directement ses compétences propres. Ces comités seront mis en place avant le 1er juillet 2017 (article 29). La composition et le fonctionnement de ces comités seront précisés par la convention conclue avec le CSA de manière à permettre à celui-ci de les adapter en fonction de la nature du service en cause et de l'importance de sa programmation en matière d'information politique et générale.

    La convention détermine également les modalités de fonctionnement du comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes créé au sein de chaque société de programme, l'indépendance de ce comité étant, par dérogation à l'article 30-8, assurée par le bureau de l'assemblée dont elle relève (art. 12 complétant l'art. 45-2 de la loi du 30 septembre 1986).

    Dans le cadre du rapport annuel qu'il présente au Parlement, le CSA rend compte du respect par les éditeurs de services des principes précédemment mentionnés et des mesures qu'il a prises pour mettre fin aux manquements constatés (art. 13 complétant l'art. 18 de la loi du 30 septembre 1986).

    L'effectivité de l'interdiction opposée par la loi du 30 septembre 1986 à toute personne non ressortissante d'un État membre de l'Union européenne de détenir plus de 20 % du capital ou des droits de vote d'un service de radio et de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en langue française, est garantie (art. 14 complétant l'art. 40). La loi corrige l'affaiblissement du dispositif anti-concentration résultant de la décision «  Association Racif  » du 4 février 2015, par laquelle Conseil d'État a estimé que les dispositions de l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 ont pour seul objet d'interdire à une personne de nationalité étrangère d'acquérir plus de 20 % du capital d'une société déjà titulaire d'une autorisation, mais qu'elles n'interdisent pas au CSA de délivrer une autorisation à une société déjà détenue à plus de 20 % par une personne de nationalité étrangère.

    Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut agréer une modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire d'une autorisation délivrée en application de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, intervenant dans un délai de cinq ans à compter de cette délivrance, sauf en cas de difficultés économiques menaçant la viabilité de cette société (art. 15 complétant l'art. 42-3 de la loi du 30 septembre 1986).

    Les organisations de défense de la liberté de l'information reconnues d'utilité publique en France sont ajoutées à la liste des organismes qui peuvent demander au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'engager la procédure de mise en demeure des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, des opérateurs de réseaux satellitaires, de la société nationale de programme France Télévisions, de la société nationale de programme dénommée Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes (art. 17 complétant les art. 42 et 48-1 de la loi du 30 septembre 1986). 

    Le CSA veille au respect de la numérotation logique s'agissant de la reprise des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre, selon les modalités prévues à l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986, et au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des autres services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services (art. 18 modifiant notamment l'art. 3-1 de la loi du 30 septembre 1986).

Titre II Dispositions relatives au secteur de la presse (art. 19 à 27)
    Les obligations d'information légale d'une entreprise éditrice à l'égard des lecteurs ou des internautes de la publication ou du service de presse en ligne, sont étendues, à toute modification du statut de l'entreprise éditrice et à tout changement dans les dirigeants ou actionnaires de l'entreprise (art. 19 modifiant l'art. 6 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse). En outre, l'ensemble des publications de presse, écrites comme en ligne, porte à la connaissance de leurs lecteurs, au moins une fois par an, toutes les informations relatives à la composition de son capital, de ses organes dirigeants et à l'identité et la part d'actions de chacun de ses actionnaires qu'il soit personne physique ou morale.

    La violation par une entreprise éditrice d'obligations d'information légale du public entraîne la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes dont elle bénéficie (art. 20 ajoutant l'art. 15-1 dans la loi du 1er août 1986 précitée).

    Quelques modifications sont apportées aux règles de publication dans un journal habilité à recevoir les annonces judiciaires et légales (art. 21 modifiant des art. du code du commerce).

    Des dispositions fiscales favorables au secteur de la presse sont prises (articles 22, 23 et 24 modifiant le CGI).

    Les recours contre les décisions prises par l'Autorité de régulation de la distribution de la presse sont de la compétence de la cour d'appel de Paris (art. 25 complétant l'article 12 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques).

    Les décisions de la commission spécialisée qui par délégation du conseil supérieur des messageries de presse décide de l'implantation des points de vente de presse sont motivées (art. 26 modifiant l'art. 18-6 de la loi précitée de 1947). La commission fait application de critères objectifs et non discriminatoires visant à garantir l'impartialité de la distribution de la presse, à préserver les équilibres économiques du système collectif de distribution, à limiter les coûts de distribution pour les entreprises de presse, à contribuer à l'efficience économique et à l'efficacité commerciale du réseau des dépositaires et des diffuseurs de presse et à assurer le respect, par ces agents de la vente, de leurs obligations définies par les décisions de portée générale du Conseil supérieur des messageries de presse qui sont devenues exécutoires. Les décisions de la commission qui ont pour effet de modifier les conditions d'exécution contractuelle d'un dépositaire ou d'un diffuseur de presse ou de mettre fin à son contrat sont prises après que les parties au contrat ont été mises en mesure de présenter leurs observations. Ces décisions prennent effet après un délai qui tient compte des spécificités de l'exécution et de l'équilibre du contrat.

Titre III Dispositions diverses, transitoires et finales (art. 28 à 30)
    Pour l'application des articles 7 et 8, les conventions conclues entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et les éditeurs de services de radio et de télévision font l'objet, en tant que de besoin, d'un avenant avant le 1er juillet 2017 (art. 28).

    Des dispositions spécifiques aux collectivités ultra-marines sont prévues (art. 30).

Plan de la loi
Art. 1er à 5
Titre Ier Liberté, indépendance et pluralisme des médias audiovisuels (art. 6 à 18)
Titre II Dispositions relatives au secteur de la presse (art. 19 à 27)
Titre III Dispositions diverses, transitoires et finales (art. 28 à 30)

Décision du Conseil Constitutionnel
CC 10 novembre 2016 Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias n° 2016-738 DC

Rubrique :  médias, télécommunications, informatique

Voir aussi :
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication - Loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse - Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse - Loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques


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