Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte (Lien Legifrance, JO 22/03/2022)

Les principales dispositions
    La loi apporte quelques ajustements au régime des lanceurs d'alerte établi par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin). Comme la loi organique du même jour visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte (voir ci-dessous), elle est issue d'une proposition parlementaire.

Titre IER : DISPOSITIONS GÉNÉRALES (Articles 1 à 2)
    L'article 1er modifie l'article 6 de la loi précitée du 9 décembre 2016 afin de préciser la définition du lanceur d'alerte qui est désormais défini comme : "une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n'ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l'article 8, le lanceur d'alerte doit en avoir eu personnellement connaissance." Il complète la liste des exclusions à l'application de ce régime et indique aussi qu'il ne s'applique pas lorsque sont réunies les conditions d'application d'un dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l'auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement ou par un acte de l'Union européenne.

    L'article 2 insère un art. 6-1 dans la loi du 9 décembre 2016 afin d'étendre la protection du lanceur d'alerte aux personnes qui lui sont liées (application des articles 10-1,12 et 12-1 et le II de l'article 13), c'est-à-dire aux : 1° Facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d'alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect des articles 6 et 8 ; 2° Personnes physiques en lien avec un lanceur d'alerte, au sens des mêmes articles 6 et 8, qui risquent de faire l'objet de l'une des mesures mentionnées au II de l'article 10-1 dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ; 3° Entités juridiques contrôlées, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, par un lanceur d'alerte au sens des articles 6 et 8 de la présente loi, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel.

Titre II : PROCÉDURES DE SIGNALEMENT (Articles 3 à 5)
    L'article 3 complète la loi du 9 décembre 2016 par un article 7-1 et modifie son article 8 pour modifier les conditions dans lesquelles les lanceurs d'alerte définis au I de l'article 6 bénéficient des protections : le lanceur d'alerte peut désormais choisir entre le signalement interne et le signalement externe à l'autorité compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen, la divulgation publique n'étant possible que dans certaines situations : absence de traitement à la suite d'un signalement externe dans un certain délai ; ou de risque de représailles ou si le signalement n'a aucune chance d'aboutir ; ou de "danger grave et imminent" ou, pour les informations obtenues dans un cadre professionnel en cas de "danger imminent ou manifeste pour l'intérêt général"
Art. 8.-I.-A.-Les personnes physiques (membres du personnel, actionnaires, associés et titulaires de droits de vote, membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance, collaborateurs extérieurs et occasionnels, cocontractants, sous-traitants, etc.) qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations mentionnées au I de l'article 6 et portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l'entité concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, dans les conditions prévues au B du présent I, notamment lorsqu'elles estiment qu'il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu'elles ne s'exposent pas à un risque de représailles.
B.-Au sein des entités dans lesquelles il n'existe pas de procédure interne de recueil et de traitement des signalements, les personnes physiques peuvent signaler les informations concernées à leur supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l'employeur ou à un référent désigné par celui-ci.
C.-La procédure de recueil et de traitement des signalements peut être commune à plusieurs ou à l'ensemble des sociétés d'un groupe, selon des modalités fixées par décret. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles des informations relatives à un signalement effectué au sein de l'une des sociétés d'un groupe peuvent être transmises à une autre de ses sociétés, en vue d'assurer ou de compléter leur traitement.
II.-Tout lanceur d'alerte, défini au I de l'article 6, peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne dans les conditions prévues au I du présent article, soit directement : 1° A l'autorité compétente parmi celles désignées par le décret prévu au sixième alinéa du présent II ; 2° Au Défenseur des droits, qui l'oriente vers la ou les autorités les mieux à même d'en connaître ; 3° A l'autorité judiciaire ; 4° A une institution, à un organe ou à un organisme de l'Union européenne compétent pour recueillir des informations sur des violations relevant du champ d'application de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 précitée.
III.-Les protections prévues au présent chapitre bénéficient à tout lanceur d'alerte, défini au I de l'article 6 de la présente loi, qui divulgue publiquement des informations mentionnées au même I : 1° Après avoir effectué un signalement externe, précédé ou non d'un signalement interne, sans qu'aucune mesure appropriée ait été prise en réponse à ce signalement à l'expiration du délai du retour d'informations mentionné au sixième alinéa du II du présent article ou, lorsqu'une autorité mentionnée aux 2° à 4° du même II a été saisie, à l'expiration d'un délai fixé par décret en Conseil d'Etat ; 2° En cas de danger grave et imminent ; 3° Ou lorsque la saisine de l'une des autorités compétentes mentionnées aux 1° à 4° dudit II ferait encourir à son auteur un risque de représailles ou qu'elle ne permettrait pas de remédier efficacement à l'objet de la divulgation, en raison des circonstances particulières de l'affaire, notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si l'auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l'autorité peut être en conflit d'intérêts, en collusion avec l'auteur des faits ou impliquée dans ces faits.

    L'article 5 modifie et complète l'article 9 de la loi du 9 décembre 2016 pour notamment indiquer que les signalements ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu'ils visent et des tiers qu'ils mentionnent, en tenant compte des délais d'éventuelles enquêtes complémentaires. Des données relatives aux signalements peuvent toutefois être conservées au-delà de cette durée, à la condition que les personnes physiques concernées n'y soient ni identifiées, ni identifiables.

Titre III : MESURES RENFORÇANT LA PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE (Articles 6 à 16)
    L'article 6 insère dans la loi du 9 décembre 2016, un article 10-1 qui étend l'irresponsabilité des lanceurs d'alerte. Il prévoit que les personnes ayant signalé ou divulgué publiquement des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu'elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause. Ils bénéficient de même de l'irresponsabilité pénale prévue à l'article 122-9 du code pénal. De même, la liste des représailles interdites est allongée, notamment avec l'orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical. Il prévoit en effet que les personnes auxquelles sont applicables l'article L. 1121-2 du code du travail, l'article L. 135-4 du code général de la fonction publique ou le III de l'article L. 4122-4 du code de la défense ne peuvent faire l'objet, à titre de représailles, ni des mesures mentionnées aux mêmes articles, ni des mesures de représailles mentionnées aux 11° et 13° à 15° du présent II, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la présente loi.

    L'article 7 complète le code du travail par un article L. 1121-2 disposant qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, ni de toute autre mesure mentionnée au II de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la même loi.
    Il apporte de nombreuses autres modifications au code du travail, au code général de la fonction publique et au code de la défense..

    L'article 8 modifie l'article 12 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 pour prévoir qu'à l'occasion de tout litige, le conseil des prud'hommes peut, en complément de toute autre sanction, obliger l'employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant lancé l'alerte jusqu'à son plafond mentionné à l'article L. 6323-11-1 du code du travail.
    Il insère dans la même loi un article 12-1 interdisant que les droits relatifs au présent chapitre puissent faire l'objet d'aucune renonciation ni limitation de droit ou de fait d'aucune forme. Toute stipulation ou tout acte pris en méconnaissance du premier alinéa est nul de plein droit.

    L'article 9 modifie l'article 13 de la loi du 9 décembre 2016 pour prévoir désormais que lors d'une procédure dirigée contre un lanceur d'alerte en raison des informations signalées ou divulguées, le montant de l'amende civile qui peut être prononcée dans les conditions prévues aux articles 177-2 et 212-2 et au dernier alinéa de l'article 392-1 du code de procédure pénale ou par les juridictions civiles en cas d'action abusive ou dilatoire est porté à 60 000 euros (au lieu de 30 000 € auparavant). L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.
    Il insère dans la même loi un article 13-1 disposant que les personnes coupables des infractions prévues à l'article 13 (donc aussi les personnes faisant obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d'un signalement) encourent également la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal.

Article 11 AC

    L'article 12 complète la loi du 9 décembre 2016 par un article 14-1 disposant que les autorités compétentes mentionnées au 1° du II de l'article 8 peuvent, le cas échéant en commun, assurer la mise en place de mesures de soutien psychologique à destination des personnes ayant adressé un signalement dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 et leur accorder un secours financier temporaire si elles estiment que leur situation financière s'est gravement dégradée en raison du signalement.

    Les articles 13 à 16 sont essentiellement des dispositions de coordination.

Titre IV : DISPOSITIONS FINALES (Articles 17 à 18)
    L'article 17 précise l'application de la loi dans les territoires ultramarins.

    L'article 18 fixe l'entrée en vigueur de la loi au premier jour du sixième mois suivant sa promulgation, donc le 1er septembre 2022.

Sommaire
Titre IER : DISPOSITIONS GÉNÉRALES (Articles 1 à 2)
Titre II : PROCÉDURES DE SIGNALEMENT (Articles 3 à 5)
Titre III : MESURES RENFORÇANT LA PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE (Articles 6 à 16)
Titre IV : DISPOSITIONS FINALES (Articles 17 à 18)


Décision du Conseil Constitutionnel
CC 17 mars 2022 Loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte n° 2022-839 DC

Rubrique :  droit, justice et professions juridiques

Voir aussi :
Loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte - Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique


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