CE Ass. 27 mai 1949 Véron-Réville n° 93122 et 96949
Gaja.
recours pour excès de pouvoir : effets des annulations contentieuses

Fiche

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Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 14 octobre 1947 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

     Considérant que la décision du Conseil d'Etat, en date du 28 février 1947, annulant les arrêtés du ministre de la justice des 7 avril et 14 mai 1945 qui avaient prononcé la mise à la retraite d'office du sieur Véron-Réville, alors juge au tribunal de première instance de Bordeaux, comportait nécessairement l'obligation pour l'administration de le réintégrer dans ce même emploi à la date où il en avait été illégalement privé; qu'à défaut de poste vacant audit tribunal lors de la réintégration du sieur Véron-Réville, il incombait à l'autorité compétente de provoquer cette vacance en rapportant le décret qui avait désigné le successeur du requérant; qu'une telle mesure, affectant un magistrat irrégulièrement nommé à un poste qui devait être regardé comme n'ayant jamais été vacant, et destinée à permettre la réintégration du véritable titulaire, loin de porter atteinte à l'inamovibilité des magistrats du siège, garantie par la Constitution, ne peut avoir d'autre effet que de tirer de cette règle essentielle les conséquences qu'elle implique nécessairement en garantissant au seul magistrat régulièrement investi la possession du siège qui lui avait été attribué; qu'il suit de là que le sieur Véron-Réville est fondé à soutenir que le décret du 14 octobre 1947 qui l'a nommé juge au tribunal de première instance de Limoges est entaché d'illégalité;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Sur la recevabilité :

     Considérant qu'il est constant que le sieur Véron-Réville a adressé, le 27 décembre 1947, une demande d'indemnité au ministre de l'Intérieur; que si ledit ministre était incompétent pour en connaître, il lui incombait de la transmettre au ministre de la justice, pour y être statué par ce dernier; que dès lors, et quelle que soit la date à laquelle cette transmission a eu lieu le sieur Véron-Réville est recevable à se pourvoir devant le conseil d'Etat contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par l'autorité compétente sur la réclamation dont s'agit;
Au fond :
     Considérant qu'en exécution de la décision susmentionnée du Conseil d'Etat, il appartenait à l'autorité compétente, après avoir reconstitué la carrière du requérant depuis son éviction injustifiée jusqu'à sa mise à la retraite définitive, d'évaluer les indemnités auxquelles il pouvait prétendre tant du fait de la privation de tout ou partie de ses émoluments pendant cette période qu'en raison, le cas échéant, de toutes autres circonstances ayant pu aggraver à son préjudice les conséquences de l'éviction et consistant notamment dans l'atteinte portée à sa réputation par les arrêtés reconnus illégaux par le Conseil d'Etat, le retard abusif que l'administration a porté au règlement qu'impliquait l'exécution des précédentes décisions du Conseil d'Etat d'Etat, et les troubles dont il a souffert; que dès lors, le sieur Véron-Réville est fondé à demander l'annulation de la décision implicite attaquée en tant que celle-ci a dénié tout droit à indemnité;
     Considérant que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat d'évaluer le montant des sommes qui peuvent être dues au sieur Véron-Réville à ces divers titres; qu'il y a lieu de le renvoyer devant le ministre de la Justice pour liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit;
Sur les intérêts :
     Considérant que dans sa requête n°96949 le sieur Véron-Réville a demandé l'allocation des intérêts à compter "du dépôt du recours"; qu'il échet de faire droit à ces conclusions;... (annulation du décret et de la décision implicite attaqués; renvoi du requérant devant le ministre de la Justice pour être procédé, sur les bases susindiquées, à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit et qui portera intérêt au taux légal à compter du 26 mai 1948; dépens de l'affaire n°96949 à la charge de l'Etat)
(...). (annulation)

 

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