CE Ass. 24 mars 2006 Société KPMG et autres n° 288460, 288465, 288474, 288485 

Fiche

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S'agissant des moyens relatifs à l'entrée en vigueur immédiate du décret :
Quant au moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime :

         Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la directive du 10 avril 1984 relative à l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables, si elle affirme le principe selon lequel les personnes qui effectuent un contrôle légal doivent être indépendantes, se borne à renvoyer aux Etats membres le soin de définir le contenu de cette obligation ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe invoqué est, par suite, inopérant ;
Quant au moyen tiré de l'application du code de déontologie aux situations contractuelles en cours :
         Considérant qu'une disposition législative ou réglementaire nouvelle ne peut s'appliquer à des situations contractuelles en cours à sa date d'entrée en vigueur, sans revêtir par là même un caractère rétroactif ; qu'il suit de là que, sous réserve des règles générales applicables aux contrats administratifs, seule une disposition législative peut, pour des raisons d'ordre public, fût-ce implicitement, autoriser l'application de la norme nouvelle à de telles situations ;
         Considérant qu'indépendamment du respect de cette exigence, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées ;

         Considérant que les dispositions de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière relatives à la déontologie et à l'indépendance des commissaires aux comptes, dont la mise en œuvre est assurée par le code de déontologie, ont, en raison des impératifs d'ordre public sur lesquelles elles reposent, vocation à s'appliquer aux membres de la profession ainsi réglementée et organisée sans que leur effet se trouve reporté à l'expiration du mandat dont les intéressés ont été contractuellement investis ; que toutefois, à défaut de toute disposition transitoire dans le décret attaqué, les exigences et interdictions qui résultent du code apporteraient, dans les relations contractuelles légalement instituées avant son intervention, des perturbations qui, du fait de leur caractère excessif au regard de l'objectif poursuivi, sont contraires au principe de sécurité juridique ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le décret attaqué en tant qu'il ne comporte pas de mesures transitoires relatives aux mandats de commissaires aux comptes en cours à la date de son entrée en vigueur intervenue, conformément aux règles de droit commun, le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française du 17 novembre 2005 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
         Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés par les requérantes et non compris dans les dépens, le versement d'une somme de 5 000 euros, respectivement, à la société KPMG, à la société Ernst & Young audit et autres, aux sociétés Deloitte et associés et société Grant Thornton et à la société Pricewaterhousecoopers audit ;
D E C I D E :
Article 1er : Le décret du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie est annulé en tant qu'il ne prévoit pas de mesures transitoires relatives aux mandats de commissaires aux comptes en cours à la date de son entrée en vigueur.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 5 000 euros, respectivement, à la société KPMG, à la société Ernst & Young audit et autres, aux sociétés Deloitte et associés et société Grant Thornton et à la société Pricewaterhousecoopers audit.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société KPMG, de la société Ernst & Young audit et autres, des sociétés Deloitte et associés et Grant Thornton et de la société Pricewaterhousecoopers audit est rejeté.

 

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