CE ass. 14 février 2014 Mme L. et autres n° 375081, 375090, 375091

Fiche

1. Considérant que Mme P…U…, M. AB… U…et le centre hospitalier universitaire de Reims relèvent appel du jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant en référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 du médecin, chef du pôle Autonomie et santé du centre hospitalier universitaire de Reims, de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de M. X… U…, hospitalisé dans ce service ; qu’il y a lieu de joindre les trois requêtes pour statuer par une seule décision ;
Sur l’intervention :
2. Considérant que l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) justifie, eu égard à son objet statutaire et aux questions soulevées par le litige, d’un intérêt de nature à la rendre recevable à intervenir dans la présente instance devant le Conseil d’Etat ; que son intervention doit, par suite, être admise ;
Sur l’office du juge des référés statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521 2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (…) » ;
4. Considérant qu’en vertu de cet article, le juge administratif des référés, saisi d’une demande en ce sens justifiée par une urgence particulière, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ; que ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui se prononce en principe seul et qui statue, en vertu de l’article L. 511-1 du code de justice administrative, par des mesures qui présentent un caractère provisoire, le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d’évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales ;
5. Considérant toutefois qu’il appartient au juge des référés d’exercer ses pouvoirs de manière particulière, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative d’une décision, prise par un médecin sur le fondement du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable et que l’exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie ; qu’il doit alors, le cas échéant en formation collégiale, prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable ; que, dans cette hypothèse, le juge des référés ou la formation collégiale à laquelle il a renvoyé l’affaire peut, le cas échéant, après avoir suspendu à titre conservatoire l’exécution de la mesure et avant de statuer sur la requête dont il est saisi, prescrire une expertise médicale et solliciter, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, l’avis de toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à éclairer utilement la juridiction ;
Sur les dispositions applicables au litige :
6. Considérant qu’en vertu de l’article L. 1110-1 du code de la santé publique, le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ; que l’article L. 1110-2 énonce que la personne malade a droit au respect de sa dignité ; que l’article L. 1110-9 garantit à toute personne dont l’état le requiert le droit d’accéder à des soins palliatifs qui sont, selon l’article L. 1110-10, des soins actifs et continus visant à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ;
7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1110-5 du même code, tel que modifié par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de la vie : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. / Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. / (…) Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. / Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort (…) » ;
8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 avril 2005 : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. (…) / Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. / Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. / Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. (…) » ;
9. Considérant que l’article R. 4127-37 du code de la santé publique énonce, au titre des devoirs envers les patients, qui incombent aux médecins en vertu du code de déontologie médicale : « I.- En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie. / II.- Dans les cas prévus au cinquième alinéa de l’article L. 1111-4 et au premier alinéa de l’article L. 1111-13, la décision de limiter ou d’arrêter les traitements dispensés ne peut être prise sans qu’ait été préalablement mise en œuvre une procédure collégiale. Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l’un des détenteurs de celles-ci mentionnés à l’article R. 1111-19 ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches. Les détenteurs des directives anticipées du patient, la personne de confiance, la famille ou, le cas échéant, l’un des proches sont informés, dès qu’elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. / La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L’avis motivé d’un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile. / La décision de limitation ou d’arrêt de traitement prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s’il en a rédigé, l’avis de la personne de confiance qu’il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d’un de ses proches. (…) / La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l’équipe de soins ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. La personne de confiance, si elle a été désignée, la famille ou, à défaut, l’un des proches du patient sont informés de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement. / III.-Lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé en application de l’article L. 1110-5 et des articles L. 1111-4 ou L. 1111-13, dans les conditions prévues aux I et II du présent article, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d’accompagner la personne selon les principes et dans les conditions énoncés à l’article R. 4127-38. Il veille également à ce que l’entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire » ;
10. Considérant, d’une part, que les dispositions de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique sont énoncées dans ce code au titre des droits garantis par le législateur à toutes les personnes malades ; que celles de l’article L. 1111-4 sont au nombre des principes généraux, affirmés par le code de la santé publique, qui sont relatifs à la prise en considération de l’expression de la volonté de tous les usagers du système de santé ; que l’article R. 4127-37 détermine des règles de déontologie médicale qui imposent des devoirs à tous les médecins envers l’ensemble de leurs patients ; qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions et des travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 22 avril 2005 qu’elles sont de portée générale et sont applicables à l’égard de M. U… comme à l’égard de tous les usagers du système de santé ;
11. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que toute personne doit recevoir les soins les plus appropriés à son état de santé, sans que les actes de prévention, d’investigation et de soins qui sont pratiqués lui fassent courir des risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ; que ces actes ne doivent toutefois pas être poursuivis par une obstination déraisonnable et qu’ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris lorsqu’ils apparaissent inutiles ou disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, que la personne malade soit ou non en fin de vie ; que, lorsque celle-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d’arrêter un traitement au motif que sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable ne peut, s’agissant d’une mesure susceptible de mettre en danger la vie du patient, être prise par le médecin que dans le respect de la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et des règles de consultation fixées par le code de la santé publique ; qu’il appartient au médecin, s’il prend une telle décision, de sauvegarder en tout état de cause la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs ;
12. Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions des articles L. 1110-5 et L. 1111-4 du code de la santé publique, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 22 avril 2005, que le législateur a entendu inclure au nombre des traitements susceptibles d’être limités ou arrêtés, au motif d’une obstination déraisonnable, l’ensemble des actes qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions vitales du patient ; que l’alimentation et l’hydratation artificielles relèvent de ces actes et sont, par suite, susceptibles d’être arrêtées lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable;
Sur les appels :
13. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X… U…, né en 1976, infirmier en psychiatrie, a été victime, le 29 septembre 2008, d’un accident de la circulation qui lui a causé un grave traumatisme crânien ; qu’après cet accident, il a été hospitalisé pendant trois mois dans le service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Reims ; qu’il a été ensuite transféré dans l’unité spécialisée pour patients en état pauci-relationnel de ce centre hospitalier, avant d’être accueilli pendant trois mois, du 17 mars au 23 juin 2009, au centre de rééducation de Berck-sur-Mer dans le département des blessés crâniens ; qu’après ce séjour, il a été à nouveau hospitalisé à Reims, où, en raison de son état de tétraplégie et de complète dépendance, il est pris en charge pour tous les actes de la vie quotidienne et est alimenté et hydraté de façon artificielle par voie entérale ;
14. Considérant que M. U… a été admis en juillet 2011 au Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège pour un bilan diagnostique et thérapeutique ; qu’après avoir pratiqué des examens approfondis, ce centre a conclu que M. U… était dans un « état de conscience minimale plus », avec une perception de la douleur et des émotions préservées, notant que l’essai de contrôle volontaire de la respiration mettait en évidence une réponse à la commande et recommandant d’envisager la mise en place d’un code de communication avec le patient ; qu’après le retour de M. U… au centre hospitalier universitaire de Reims, quatre-vingt-sept séances d’orthophonie ont été pratiquées pendant cinq mois, du 6 avril 2012 au 3 septembre 2012 pour tenter d’établir un code de communication ; que ces séances ne sont pas parvenues à mettre en place un code de communication du fait de la non-reproductibilité des réponses ;
15. Considérant que, au cours de l’année 2012, des membres du personnel soignant ont constaté des manifestations comportementales chez M. U… dont ils ont pensé qu’elles pouvaient être interprétées comme traduisant une opposition aux soins de toilette pratiqués ; qu’à la suite de ces constats et se fondant sur l’analyse qu’il faisait de l’absence d’évolution neurologique favorable du patient, le Dr Kariger, chef du pôle Autonomie et santé du centre hospitalier universitaire et, à ce titre, responsable du service prenant en charge le patient, a engagé la procédure collégiale prévue par l’article R. 4127-37 du code de la santé publique afin d’apprécier si la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation artificielles de M. U… était le résultat d’une obstination déraisonnable au sens de l’article L. 1110-5 du même code ; que, le 10 avril 2013, ce médecin a décidé d’arrêter l’alimentation artificielle et de diminuer l’hydratation de M. U… ; que, saisi par les parents de M. U…, l’un de ses demi-frères et l’une de ses sœurs, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par une ordonnance du 11 mai 2013, a enjoint de rétablir l’alimentation et l’hydratation artificielles au motif que la procédure prévue par l’article R. 4127-37 du code de la santé publique avait été méconnue, dès lors que seule l’épouse de M. U…, lequel n’avait pas rédigé de directives anticipées ni désigné de personne de confiance, avait été informée de la mise en œuvre de la procédure, associée à son déroulement et informée de la décision d’arrêt de traitement prise par le médecin ;
16. Considérant qu’après avoir engagé, en septembre 2013, une nouvelle procédure collégiale en y associant, outre l’épouse de M. U…, ses parents et ses frères et sœurs, le Dr Kariger a, au terme de cette procédure collégiale, décidé, le 11 janvier 2014, de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielles du patient à compter du lundi 13 janvier 2014 à 19 heures, l’exécution de cette décision devant toutefois être différée en cas de saisine du tribunal administratif ; que, saisi à nouveau, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant en référé en formation collégiale par jugement du 16 janvier 2014, a suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 ; que l’épouse de M. U…, un de ses neveux et le centre hospitalier universitaire de Reims relèvent appel de ce jugement ;
17. Considérant qu’à l’appui de ces appels, il est, en particulier, soutenu que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation artificiellement administrées à M. U…, n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie du patient, traduit une obstination déraisonnable au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, ce qui est contesté en défense ;
18. Considérant qu’il revient au Conseil d’Etat, saisi de cette contestation, de s’assurer, au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, qu’ont été respectées les conditions mises par la loi pour que puisse être prise une décision mettant fin à un traitement dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable ;
19. Considérant qu’il est nécessaire, pour que le Conseil d’Etat puisse procéder à cette appréciation, qu’il dispose des informations les plus complètes, notamment sur l’état de la personne concernée ; qu’en l’état des éléments versés dans le cadre de l’instruction, le bilan qui a été effectué par le Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège et qui a conclu, ainsi qu’il a été dit, à un « état de conscience minimale plus », remonte à juillet 2011, soit à plus de deux ans et demi ; que les trois médecins dont l’avis, au titre de consultants extérieurs au centre hospitalier universitaire de Reims, a été sollicité dans le cadre de la procédure collégiale engagée, se sont principalement prononcés sur les aspects éthiques et déontologiques d’un arrêt de traitement et non sur l’état médical du patient qu’ils n’ont pas examiné ; qu’ainsi que cela a été indiqué lors de l’audience de référé, le dossier médical de M. U… n’a pas été versé dans son intégralité au cours de l’instruction de la demande de référé ; que des indications divergentes ont été données dans le cadre de l’instruction et au cours de l’audience de référé quant à l’état clinique de M. U… ;
20. Considérant, dans ces conditions, qu’il est, en l’état de l’instruction, nécessaire, avant que le Conseil d’Etat ne statue sur les appels dont il est saisi, que soit ordonnée une expertise médicale, confiée à des praticiens disposant de compétences reconnues en neurosciences, aux fins de se prononcer, de façon indépendante et collégiale, après avoir examiné le patient, rencontré l’équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier et pris connaissance de l’ensemble de son dossier médical, sur l’état actuel de M. U… et de donner au Conseil d’Etat toutes indications utiles, en l’état de la science, sur les perspectives d’évolution qu’il pourrait connaître ;
21. Considérant qu’il y a lieu, en conséquence, de prescrire une expertise confiée à un collège de trois médecins qui seront désignés par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat sur la proposition, respectivement, du président de l’Académie nationale de médecine, du président du Comité consultatif national d’éthique et du président du Conseil national de l’Ordre des médecins, avec pour mission, dans un délai de deux mois à compter de la constitution du collège :
- de décrire l’état clinique actuel de M. U… et son évolution depuis le bilan effectué en juillet 2011 par le Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège ;
- de se prononcer sur le caractère irréversible des lésions cérébrales de M. U… et sur le pronostic clinique ;
- de déterminer si ce patient est en mesure de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son entourage ;
- d’apprécier s’il existe des signes permettant de penser aujourd’hui que M. U… réagit aux soins qui lui sont prodigués et, dans l’affirmative, si ces réactions peuvent être interprétées comme un rejet de ces soins, une souffrance, le souhait que soit mis fin au traitement qui le maintient en vie ou comme témoignant, au contraire, du souhait que ce traitement soit prolongé ;
22. Considérant, en outre, qu’en raison de l’ampleur et de la difficulté des questions d’ordre scientifique, éthique et déontologique qui se posent à l’occasion de l’examen du présent litige, il y a lieu, pour les besoins de l’instruction des requêtes, d’inviter, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique et le Conseil national de l’Ordre des médecins ainsi que M. B… AC…à présenter au Conseil d’Etat, avant la fin du mois d’avril 2014, des observations écrites d’ordre général de nature à l’éclairer utilement sur l’application des notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, en particulier à l’égard des personnes qui sont, comme M. U…, dans un état pauci-relationnel ; 
Sur les conclusions d’appel incident :
23. Considérant qu’il ne résulte d’aucun élément versé dans le cadre de l’instruction que les soins qui doivent être dispensés à M. U… ne seraient pas accomplis conformément aux exigences requises au sein du service où il est hospitalisé depuis plusieurs années ou que son maintien dans ce service mettrait désormais en cause sa sécurité ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu, en l’état de l’instruction, d’ordonner à titre de mesure de sauvegarde le transfert de M. U… dans un autre établissement ;
D E C I D E :
Article 1er : L’intervention de l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) est admise.
Article 2 : Avant de statuer sur les requêtes, il sera procédé à une expertise confiée à un collège de trois médecins, disposant de compétences reconnues en neurosciences, désignés par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat sur la proposition, respectivement, du président de l’Académie nationale de médecine, du président du Comité consultatif national d’éthique et du président du Conseil national de l’Ordre des médecins, aux fins :
- de décrire l’état clinique actuel de M. U… et son évolution depuis le bilan effectué en juillet 2011 par le Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège ;
- de se prononcer sur le caractère irréversible des lésions cérébrales de M. U… et sur le pronostic clinique ;
- de déterminer si ce patient est en mesure de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son entourage ;
- d’apprécier s’il existe des signes permettant de penser aujourd’hui que M. U… réagit aux soins qui lui sont prodigués et, dans l’affirmative, si ces réactions peuvent être interprétées comme un rejet de ces soins, une souffrance, le souhait que soit mis fin au traitement qui le maintient en vie ou comme témoignant, au contraire, du souhait que ce traitement soit prolongé.
Article 3 : Les experts devront procéder à l’examen de M. X… U…, rencontrer l’équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier et prendre connaissance de l’ensemble de son dossier médical. Ils pourront consulter tous documents, procéder à tous examens ou vérifications utiles et entendre toute personne compétente. Ils accompliront leur mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative et rendront leur rapport dans un délai de deux mois à compter de leur désignation.
Article 4 : L’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique et le Conseil national de l’Ordre des médecins ainsi que M. B… AC…sont invités, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, à présenter au Conseil d’Etat, conformément aux motifs de la présente décision et avant la fin du mois d’avril 2014, des observations écrites de caractère général de nature à l’éclairer utilement sur l’application des notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, en particulier à l’égard des personnes qui sont, comme M. U…, dans un état pauci-relationnel.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme P…U…, à M. AB… U…, au centre hospitalier universitaire de Reims, à M. O… et à Mme Y…U…, à M. H… AK…, à Mme A… U…épouseR…, à l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, au président de l’Académie nationale de médecine, au président du Comité consultatif national d’éthique, au président du Conseil national de l’Ordre des médecins, à M. B… AC…et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

 

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