Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (Lien Legifrance, JO 02/03/2004, p. 4183)

Les principales dispositions
    Loi, inévitablement longue (198 articles), qui fixe les règles du gouvernement autonome de la Polynésie française au sein de la République française. Elle a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 février 2004. Elle détermine le nouveau statut de la Polynésie française après la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République qui a notamment procédé à la réécriture de l'art. 74 de la Constitution. Elle s'inscrit dans la logique de l'autonomie affirmée depuis le statut de 1984 et n'est donc que partiellement novatrice (notamment avec l'apparition des "lois du pays").. La Polynésie française, collectivité d'outre mer régie par l'art. 74 n'est pas, contrairement aux départements et régions d'outre-mer régis par l'art. 73 de la Constitution, soumise à un principe d'identité législative et son statut peut tenir compte de ses spécificités. La loi abroge le précédent statut de la Polynésie française établi par la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996.

De l'autonomie (Titre I, art. 1 à 6)
    La Polynésie française qui constitue une collectivité d'outre-mer est également qualifiée de "Pays d'outre-mer au sein de la République" (al. 2 de l'art. 1er)
    Les communes sont des collectivités territoriales de la République reconnues en Polynésie française, et leur libre administration est affirmée (art. 6)

L'application des lois et règlements en Polynésie française (Titre II, art. 7 à 12)
    Les dispositions législatives et réglementaires de l'Etat qui sont applicables de plein droit en Polynésie française sont énumérées (art. 7) mais le Conseil constitutionnel a estimé que cette énumération n'est pas limitative (cons. 18).
    La consultation de l'assemblée de la Polynésie française sur les projets de loi et propositions de loi et les projets d'ordonnance qui la concernent doit intervenir au plus tard, avant l'adoption du projet de loi ou de la proposition de loi en première lecture par la première assemblée saisie (art. 9). Toutefois, suite à une réserve d'interprétation par le Conseil constitutionnel, dans le cas de projets de loi qui, dès l'origine, comportent des dispositions relatives à l'organisation particulière de la Polynésie française, les avis devront avoir été rendus de façon implicite ou expresse avant l'avis du Conseil d'État (cons. 20).

Les compétences (Titre III, art. 13 à 62)
    Les compétences de l'Etat sont limitativement énumérées (art. 13 et 14). Conformément à l'art. 74, elles reprennent toutes les attributions de l'Etat non transférables énumérées à l'art. 73 de la Constitution et qui correspondent à des attributions régaliennes. Par conséquent, la Polynésie française bénéficie du transfert de compétences supplémentaires (droit du travail, droit civil – sauf l'état et la capacité des personnes , les obligations commerciales)
    Les compétences particulières de la Polynésie française (art.15 et s.) comprennent la possibilité pour elle de disposer d'une représentation auprès d'un Etat ou d'un organisme international mais elle ne peut comporter un caractère diplomatique, compétence exclusive de l'Etat.
    Le président de la Polynésie française peut "négocier et signer des conventions de coopération décentralisée".
    La collectivité d'outre-mer est habilitée, dans la logique de l'antépénultième alinéa de l'art. 74 de la Constitution, à prendre des mesures "de discrimination positive", notamment pour l'emploi de sa population tant dans le secteur public que le secteur privé (art. 18). Le critère étant la durée de résidence en Polynésie française, et non un critère ethnique qui pourrait résulter par exemple de la prise en compte d'un lieu de naissance, et des conditions étant posées (comme l'égalité des mérites, et la justification de la "discrimination" par des critères objectifs tenant à la nécessité de soutenir l'emploi local), la constitutionnalité de ces dispositions a été admise par le Conseil constitutionnel.
    Les institutions de la Polynésie française sont habilitées à participer à l'exercice des compétences que l'Etat conserve dans le domaine législatif et réglementaire en application de l'article 14 (art. 31). Si elles peuvent édicter des normes qui sont du domaine de l'Etat en vertu de la Constitution notamment, au moyen d'une loi du pays, leur entrée en vigueur est subordonnée à l'accord préalable de l'Etat par voie d'un décret et ensuite d'une loi votée par le Parlement. Pour les actes pris en application d'une loi du pays (II de l'art. 32), l'accord de l'Etat est indispensable mais un décret suffit alors.
    L'entrée en vigueur d'une "loi du pays" est subordonnée au respect d'une procédure complexe et contraignante et à l'accord des principales institutions de la République. Par ailleurs, elle reste modifiable par une loi ou une ordonnance ou par un décret qui comporte une mention expresse d'application en Polynésie française (III de l'art. 32).
    Les "lois du pays" de la Polynésie française, contrairement à celles de Nouvelle-Calédonie, n'ont qu'une valeur réglementaire. Leur contestation doit être portée devant le Conseil d'Etat qui se prononce, par voie d'action, de manière définitive sur leur conformité au regard de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit (art. 176 et suivants).
    Le français est la langue officielle des institutions locales et si l'enseignement des langues polynésiennes est prévu, il ne saurait avoir un caractère obligatoire ni pour les élèves ni pour les enseignants (art. 57)

Les institutions (Titre IV, art. 63 à 165)
    Elles se composent du président de la Polynésie française (auparavant président du gouvernement de la Polynésie française), d'un gouvernement, d'une assemblée délibérante et d'un conseil économique, social et culturel.
    Le président de la Polynésie française est élu par l'assemblée de la Polynésie française. Il nomme un vice-président et forme son gouvernement composé de ministres. Il dirige l'action du gouvernement, promulgue les "lois du pays", signe les actes délibérés en conseil des ministres. Il est chargé de l'exécution des "lois du pays" et des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française et de sa commission permanente. Il exerce le pouvoir réglementaire pour l'application des actes du conseil des ministres. Il dirige l'administration de la Polynésie française et nomme à la plupart des emplois publics de la Polynésie française. Il est l'ordonnateur du budget de la Polynésie française et assure la publication au Journal officiel de la Polynésie française des actes ressortissant à la compétence des institutions de cette collectivité (art. 64 et 65).
    Les règles de composition, de formation et de fonctionnement de l'assemblée de la Polynésie française et ses attributions sont définies aux articles 102 à 146. L'assemblée de la Polynésie française est composée de cinquante-sept membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct. La circonscription des Tuamotu-Gambier est divisée en deux circonscriptions (art. 104). Les modalités du scrutin sont modifiées notamment par un correctif majoritaire apporté au scrutin proportionnel : un tiers des sièges de chaque circonscription est attribué à la liste qui a recueilli la majorité des suffrages exprimés (art. 105).
    L'assemblée adopte les "lois du pays" et des délibérations, et peut adopter dans les matières de la compétence de l'Etat, des résolutions tendant soit à étendre des lois ou règlements en vigueur en métropole, soit à abroger, modifier ou compléter les dispositions législatives ou réglementaires applicables en Polynésie française. Une mission de contrôle du gouvernement de la Polynésie française lui est également attribuée.
    L'initiative des "lois du pays" appartient concurremment au gouvernement et aux représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Ces "lois" résultent des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française et sont soumises au contrôle du Conseil d'Etat (art. 140). Ce sont des actes relevant du domaine de la loi qui, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française aux compétences de l'Etat et interviennent dans les matières énumérées (droit civil, urbanisme, santé, etc.). La loi organique prévoit, et le Conseil constitutionnel a admis, qu'elles peuvent être applicables aux contrats en cours si l'intérêt général le justifie.
    L'assemblée de la Polynésie française peut mettre fin aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de censure (art. 156). Réciproquement, l'assemblée de la Polynésie française peut être dissoute, par décret du Président de la République délibéré en conseil des ministres, à la demande du gouvernement de la Polynésie française, ou, pour le moins, après avoir recueilli son avis (art. 157).
    Le droit de pétition est organisé (art. 158) : un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales en Polynésie française peuvent saisir l'assemblée de Polynésie française d'une question de sa compétence. Aucune obligation ne résulte d'une pétition recevable si ce n'est, pour le président de l'assemblée, d'en faire le rapport à l'assemblée.
    Le référendum décisionnel local prévu par le deuxième alinéa de l'article 72-1 de la Constitution est organisé (art. 159). Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui réservait l'initiative référendaire au conseil des ministres de la Polynésie française même lorsqu'il s'agit de projets ou de propositions de l'assemblée.

Le haut-commissaire et l'action de l'Etat (Titre V, art. 166 à 170)
    Son rôle déjà indiqué à l'art. 3 de la loi organique (représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, et dépositaire des pouvoirs de la République, ayant la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et des engagements internationaux, de l'ordre public et du contrôle administratif) est ici rappelé et précisé sur quelques points (rôle supplétif en cas de défaillance dans la publication des textes officiels de Polynésie française, rôle de coordination et d'assistance). L'essentiel des dispositions le concernant sont indiquées dans la loi ordinaire du même jour.

Le contrôle juridictionnel, financier et budgétaire (Titre VI, art. 171 à 186)
    Les actes des institutions de Polynésie française deviennent exécutoires suivants les conditions fixées à l'art. 171 : après publication au Journal officiel de la Polynésie française ou leur notification aux intéressés et, pour certains actes - les plus importants -, après transmission au haut-commissaire de la République.
    Dans le cadre du contrôle de légalité, le haut-commissaire de la République a la possibilité de saisir d'une demande d'annulation le tribunal administratif de Polynésie française, voire le Conseil d'Etat s'il estime qu'un acte pris par les institutions de la Polynésie française, soumis ou non à l'obligation de transmission, est de nature à compromettre de manière grave le fonctionnement ou l'intégrité d'une installation ou d'un ouvrage intéressant la défense nationale. Il peut également demander la suspension de l'acte en cause. Les personnes physiques disposent également de recours.
    En outre, lorsqu'un recours pour excès de pouvoir ou en appréciation de légalité est fondé sur un moyen sérieux invoquant l'inexacte application de la répartition des compétences entre l'Etat, la Polynésie française et les communes ou que ce moyen est soulevé d'office, le tribunal administratif doit, sans délai, transmettre le dossier pour avis au Conseil d'Etat, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours. La juridiction administrative suprême doit se prononcer dans un délai de trois mois.
    Le contrôle juridictionnel des "lois du pays" est régi par des règles particulières (art. 176 et suivants)

Dispositions diverses (Titre VII, art. 187 à 198)
    Elles établissent notamment la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française comme le successeur du territoire d'outre-mer, règlent en partie la question de l'entrée en vigueur de la loi organique, modifient des dispositions du code électoral applicables à cette collectivité et abrogent tout un ensemble de dispositions devenues obsolètes, dont la loi organique du 12 avril 1996 (art. 196).

    GLOSSAIRE :  Polynésie française - autonomie - collectivités d'outre-mer - haut-commissaire de la République - discrimination positive - arrangements administratifs - convention de coopération décentralisée    

Décision du Conseil Constitutionnel
CC 12 février 2004 Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française

Commentaires
JAN Pascal, L'outre-mer entre mimétisme et spécificité constitutionnelle (à propos des lois du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française), LPA, 2004, 3 août, pp. 3-12.
ORAISON André, Le nouveau statut d'autonomie renforcée de la Polynésie française (Exégèse de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'une collectivité d'outre-mer conformément à l'article 74 de la Constitution), RDFA, 2004, n° 3, p. 630.
GOHIN O. et JOYAU M., L'évolution institutionnelle de la Polynésie française, AJDA, 2004, 21 juin, pp. 1242-1252.
SCHOETTL Jean-Eric, Un nouveau statut pour la Polynésie française après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (Analyse des décisions du Conseil constitutionnel du 12 février 2004), RFDA, 2004, n° 2, pp. 248-272.

Voir aussi :
Loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française - Ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs - Décret n° 2005-1611 du 20 décembre 2005 pris pour l'application du statut d'autonomie de la Polynésie française - Loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française - Loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française

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