Loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France (Lien Legifrance, JO 06/08/2013, p. 13338)
Les principales dispositions
La loi transpose trois directives, deux décisions-cadres et la décision renforçant Eurojust. Elle adapte la législation française à plusieurs conventions internationales, ainsi qu'à un protocole et une résolution de l'Organisation des Nations unies (ONU). Elle supprime le délit d'offense au chef de l'Etat. Comportant 28 articles elle modifie principalement le code pénal et le code de procédure pénale.
Elle achève de transposer trois directives du Parlement européen et du Conseil relatives à la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales et à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie. La législation française étant déjà conforme à la plupart des obligations résultant de ces trois directives, seules quelques adaptations sont apportées. Par ailleurs, elle définit et incrimine la réduction en esclavage (le fait d'exercer à l'encontre d'une personne l'un des attributs du droit de propriété) et l'exploitation d'une personne réduite en esclavage (le fait de commettre à l'encontre d'une personne dont la réduction en esclavage est apparente ou connue de l'auteur une agression sexuelle, de la séquestrer ou de la soumettre à du travail forcé ou du service forcé).
Elle transpose la décision-cadre du 26 février 2009 qui porte sur les garanties fondamentales qui doivent être respectées pour la reconnaissance des décisions judiciaires étrangères rendues en l'absence de la personne. Elle transpose aussi la décision-cadre du 27 novembre 2008 qui vise à améliorer la reconnaissance mutuelle des jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté et l'exécution de ces condamnations au sein de l'Union européenne. Elle modernise les mécanismes de transfèrement des personnes condamnées. Elle permet ainsi d'exécuter dans un Etat membre des peines privatives de liberté prononcées par un autre Etat membre afin de faciliter la réinsertion sociale du condamné, en supprimant la possibilité de « conversion » de la peine par l'Etat d'exécution car cela pouvait conduire à une forte « érosion » des condamnations. Elle supprime, dans certaines situations, l'obligation de recueillir le consentement de la personne condamnée. Enfin, elle rend le transfèrement obligatoire pour l'État d'exécution lorsque la personne condamnée est ressortissante de cet État et y a sa résidence habituelle ou lorsque cette personne doit être expulsée vers cet État à la fin de sa peine. C'est le procureur de la République qui sera chargé d'adresser et recevoir les demandes de transfèrement. Il statuera sous le contrôle du président du tribunal correctionnel si la peine doit faire l'objet d'une adaptation. Un recours est ouvert dans tous les cas à la personne condamnée, avant transfèrement.
Elle transpose la décision relative à Eurojust, l'unité de coopération judiciaire européenne. Elle étend les possibilités d'action d'Eurojust en créant une procédure de recommandation écrite aux autorités judiciaires nationales, appelant une réponse motivée en cas de refus, en matière d'engagement de poursuites, de réalisation d'actes d'enquête ou de résolution de conflit de compétence. Elle prévoit les dispositions nécessaires pour qu'Eurojust puisse accéder, dans des conditions identiques à celles des autorités judiciaires, aux informations contenues dans les fichiers judiciaires, dans les fichiers de police judiciaire ou dans tout autre fichier contenant des informations nécessaires à l'accomplissement de ses missions.
La loi adapte la législation pénale française à plusieurs instruments internationaux :Elle supprime dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse le délit d'offense au chef de l'Etat puni de 45 000 euros (abrogation de son article 26). Elle ajoute le délit de diffamation envers le président de la République (modification de l'article 31), la poursuite ayant lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice (modification de l'article 48).
- le troisième protocole additionnel aux conventions de Genève, ratifié par la France le 17 janvier 2010, qui a institué pour désigner les services médicaux en temps de guerre un nouveau signe distinctif n'ayant aucune signification religieuse, ethnique, raciale, régionale ou politique, en l'espèce le Cristal-Rouge, caractérisé par un emblème ayant la forme d'un carré rouge sur fond blanc ;
- la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU n°1966 du 22 décembre 2010 qui met en place un tribunal international dit « le Mécanisme résiduel » chargé d'assurer l'achèvement des poursuites pour les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre commis sur les territoires de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda dans la perspective de la fermeture des deux tribunaux internationaux (TPIY et TPIR) ;
- la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 20 décembre 2006 et ratifiée par la France. Cette convention vise à lutter, en temps de paix comme en temps de guerre, contre une pratique caractéristique des dictatures, l'arrestation arbitraire ou l'enlèvement d'opposants politiques ou de militants des droits de l'homme, par des agents de l'État ou des personnes agissant avec son autorisation, aux fins de les priver de la protection de la loi en les maintenant en détention dans un lieu tenu secret tout en refusant de répondre aux interrogations de leurs proches ;
- l'accord du 28 juin 2006 entre l'Union européenne et l'Islande et la Norvège qui instaure une procédure de remise, entre les États membres de l'Union européenne et l'Islande et la Norvège, intermédiaire entre la procédure d'extradition et la procédure du mandat d'arrêt européen ;
- la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul, le 11 mai 2011, pour laquelle la législation française déjà très largement conforme ne nécessite que quelques aménagements (incrimination de la tentative d'interruption volontaire de grossesse sans violence, de l'incitation non suivie d'effet d'un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle, de la tromperie d'une personne pour qu'elle quitte le territoire national afin d'être soumise à l'étranger à un mariage forcé).
Plan de la loiGLOSSAIRE : décision et décision-cadre (Titre VI du traité UE)
- Chapitre Ier : Dispositions portant transposition de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (art. 1er et 2)
- Chapitre II : Dispositions relatives à la réduction en esclavage et à l'exploitation de personnes réduites en esclavage (art. 3)
- Chapitre III : Dispositions portant transposition de la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (art. 4)
- Chapitre IV : Dispositions portant transposition de la directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil (art. 5 et 6)
- Chapitre V : Dispositions portant transposition de la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l'absence de la personne concernée lors du procès (art. 7 et 8)
- Chapitre VI : Dispositions relatives à l'application de la décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d'Eurojust et modifiant la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité (art. 9 et 10)
- Chapitre VII : Dispositions portant transposition de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne (art. 11)
- Chapitre VIII : Dispositions portant adaptation du droit pénal au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (protocole III), adopté à Genève le 8 décembre 2005 (art. 12)
- Chapitre IX : Dispositions portant adaptation de la législation française à la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies du 22 décembre 2010 instituant un mécanisme international chargé d'exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (art. 13 et 14)
- Chapitre X : Dispositions portant adaptation du droit pénal et de la procédure pénale à la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York le 20 décembre 2006 (art. 15 et 16)
- Chapitre XI : Dispositions portant adaptation de la législation française à l'accord entre l'Union européenne et la République d'Islande et le Royaume de Norvège relatif à la procédure de remise entre les Etats membres de l'Union européenne et l'Islande et la Norvège, signé le 28 juin 2006, et aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 5 septembre 2012 et du 30 mai 2013 (art. 17 et 18)
- Chapitre XII : Dispositions portant adaptation de la législation française à la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011 (art. 19 et 20)
- Chapitre XIII : Dispositions abrogeant le délit d'offense au chef de l'Etat afin d'adapter la législation française à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 14 mars 2013 (art. 21)
- Chapitre XIV : Dispositions diverses et transitoires (art. 22 à 28)
Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel
Rubriques : droit, justice et professions juridiques / pouvoirs publics / pénal et pénitentiaire
Voir aussi :
CourEDH 14 mars 2013 Eon c/ France