Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (loi Sarkozy) (Lien Legifrance, JO 27/11/2003, p. 20136)

Les principales dispositions (présentation plus détaillée)
 La loi comprend 95 articles organisés en 5 parties qui correspondent aux textes modifiés : ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (titre I : art. 1 à 55), code du travail (titre II : art. 56 à 62), code civil (titre III : art. 63 à 77), code pénal et code de procédure pénale (titre IV : art. 78 à 83), divers (Titre V : art. 84 à 95). 

Attestations d'accueil (justificatifs d'hébergement) (art. 7, art. 5-3 Ord. 1945) : 
Les demandes d'attestation présentées par des personnes souhaitant héberger un étranger en vue de la délivrance d'un visa sont soumises au contrôle du maire agissant au nom de l'Etat et donc sous le contrôle hiérarchique du préfet. 
- Le maire ne peut refuser de valider l'attestation d'accueil que dans des cas spécifiés (absence des pièces justificatives requises ; impossibilité d'accueillir l'étranger dans des conditions normales de logement ; inexactitudes des mentions portées sur l'attestation ; attestations antérieurement signées par l'hébergeant ayant révélé un détournement de la procédure).
- Les demandes de validation des attestations d'accueil peuvent faire l'objet d'un traitement automatisé.
- Elles donnent lieu à la perception d'une taxe de 15 euros par demande. 
- Le justificatif d'hébergement n'est pas exigé en cas de séjour à caractère humanitaire ou d'échange culturel, ou lorsqu'il demande à se rendre en France pour une cause médicale urgente ou en raison des obsèques ou de la maladie grave d'un proche". Un décret en Conseil d'Etat doit préciser les conditions.

Empreintes digitales et photographie (art. 11 et 12) : 
Elles pourront être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement informatique pour tout étranger non communautaire sollicitant un visa ou en situation irrégulière (art. 11, art. 8-3 Ord. 1945). Ces opérations seront systématiques dès lors que le visa sera octroyé (art. 12, art. 8-4 Ord. 1945). 

Suppression du titre de séjour obligatoire (art. 14, art. 9-1 Ord. 1945) : 
Elle ne vaut que pour les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique qui souhaitent établir en France leur résidence . Dans certains cas, l'exigence d'un titre de séjour peut subsister à titre transitoire pour l'exercice d'une activité économique.

Carte de séjour temporaire (art. 17, art. 12 bis Ord. 1945) : 
Une mention particulière doit être faite pour le regroupement familial car il ne donne plus droit à une carte de résident de plein droit, mais à titre subsidiaire à la délivrance d'une carte de séjour temporaire de plein droit. Autrement, les précisions apportées contribuent globalement à rendre plus restrictive la délivrance de plein droit (non prise en compte des années durant lesquelles une fausse identité a été utilisée, exigence d'une communauté de vie continue, de contribuer à l'entretien de l'enfant, etc.). Toutefois, il en va différemment en ce qui concerne la situation de l'étranger mineur ou dans l'année suivant sa majorité (l'âge pris en compte pour la résidence devient 13 ans au lieu de 10 ans). 

Obtention plus difficile de la carte de résident (art. 21, 22 et 8, art. 14, 15 et 6 Ord. 1945) : 
Elle n'est plus délivrée de plein droit à l'étranger :
- ayant bénéficié du regroupement familial : une durée de séjour de deux ans est exigée (art . 21). A défaut d'être délivrée, la famille de l'étranger se verra délivrer ou renouveler de plein droit une carte de séjour temporaire (art. 17 de la loi, art. 12 bis Ord. 1945)
- père ou mère d'un enfant français résidant en France, et qui exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou subvient effectivement à ses besoins (art. 23). Le but est de lutter contre les paternités de complaisance. 
La durée de séjour exigée est allongée (de 3 à 5 ans). Elle n'est délivrée à un étranger marié à un Français qu'après deux ans de vie commune (un an auparavant) (art. 22).
Dans tous les cas où son obtention n'est pas de plein droit, la délivrance de la première carte de résident est subordonnée à l'"intégration républicaine de l'étranger dans la société française". Celle-ci est appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française (art. 8, art. 6 Ord. 1945). Le maire de la commune de résidence peut être saisi pour avis par le préfet ou le préfet de police.

Aide directe ou indirecte au séjour irrégulier par des personnes physiques (art. 28 à 30, art. 21 à 21 ter Ord. 1945) : 
Le territoire concerné est étendu à celui des Etats parties au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. 
Les sanctions sont accrues (allongement de la durée de l'interdiction de séjour, du retrait du permis de conduire, confiscation des biens, etc.) (art. 28).
Plusieurs cas de circonstances aggravantes conduisant à un alourdissement des peines sont ajoutées (art. 29) : commission en bande organisée ; étrangers exposés à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ; étrangers soumis à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ; etc.
Lorsque l'infraction est commise par une personne morale, ses biens pourront être confisqués (art. 30).

Emploi d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier (art. 32, art. 21 quinquies Ord. 1945) :
L'employeur devra, outre les poursuites judiciaires et la contribution à l'OMI, acquitter une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.

Expulsion (art. 35 à 39, art. 25, 25 bis, 26 Ord. 1945 ) : 
Plusieurs modifications sont apportées.
- L'arrêté d'expulsion fera désormais l'objet d'un réexamen systématique tous les cinq ans (art. 35).
- Est supprimée l'interdiction d'expulser des ressortissants étrangers en situation régulière sur le territoire français, quelle que soit l'ancienneté de leur séjour, à moins qu'ils n'aient été condamnés à une peine d'emprisonnement au moins égale à un an.
- La protection contre l'expulsion devient quasi-totale pour les étrangers mineurs et pour certaines catégories d'étrangers en raison de leurs liens avec la France (art. 38). La même protection vaut contre la reconduite à la frontière. Il s'agit de l'étranger qui : 1° réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; 2° réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; 3° réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ; 4° réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; 5° réside habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
Toutefois, même dans ces cas, l'expulsion peut avoir lieu en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes. Les dispositions prévues aux 3° et 4° ne sont toutefois pas applicables lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

Modification des conditions du regroupement familial (art. 42, art. 29 Ord. 1945) :
- Les conditions de logement et de ressources sont vérifiées par le maire par l'entremise des agents communaux chargés des affaires sociales ou d'agents de l'OMI (art. 29 II). A l'issue des vérifications, il émet un avis motivé et le dossier est transmis à l'OMI. L'avis du maire est réputé positif s'il n'est pas formulé dans un délai de deux mois à compter de la transmission du dossier par le préfet. 
- L'étranger ayant fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial ("regroupement familial sur place") risque de se voir retirer son titre de séjour, du moins s'il n'entre pas dans certaines catégories d'étrangers (art. 29 IV bis Ord. 1945).

Contrôle de l'authenticité de documents (art. 48, art. 34 bis Ord. 1945) :
Les agents diplomatiques ou consulaires peuvent désormais de leur propre initiative, procéder à la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document, lorsqu'ils sont saisis d'une demande de visa ou d'une demande de transcription d'un acte d'état civil. Pour effectuer ces contrôles, par dérogation aux dispositions de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les autorités diplomatiques et consulaires sursoient à statuer sur la demande de visa présentée par la personne qui se prévaut de l'acte d'état civil litigieux, pendant une période maximale de quatre mois. Ce délai peut être prorogé par un nouveau délai de 4 mois. 

Rétention (art. 49, art. 35 bis Ord. 1945) : 
- La loi prévoit désormais dans chaque lieu de rétention, un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus. A cette fin, sauf en cas de force majeure, il est accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat (art. 35 bis I). Deux décisions du Conseil d'Etat du 30 juillet 2003 Syndicat des avocats de France ont anticipé ces exigences.
- La durée de la rétention est allongée de 12 à 32 jours en 3 phases (art. 35bis II et III) : une 1ère phase de 48 H, une 2ème période de 15 jours décidée par le juge des libertés et de la détention (JLD) au regard de la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ; une 3ème phase, si le juge décide d'une prolongation de 5 ou 15 jours selon le contexte. Les décisions du juge sont susceptibles d'appel. L'allongement de la durée de rétention a été présenté comme ayant pour finalité d'améliorer le taux de reconduite à la frontière. 
 - La procédure de "référé-rétention" supprimée par la loi RESEDA est rétablie (art. 35 bis IV) : l'appel de la décision du juge quant à la prolongation de la durée de la rétention peut à la demande du ministère public se voir reconnaître un effet suspensif. Dans ce cas, l'étranger n'est pas libéré mais est gardé à la disposition de la justice, et ne risque donc pas de devenir introuvable dans le cas d'une réussite de l'appel par l'administration.
- La demande d'asile ne sera recevable que si elle est formée par l'étranger dans un délai de cinq jours à compter de la notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile (art. 35 bis V).

Lutte contre les mariages de complaisance (art. 31, 74 à 76) : 
- Création d'une incrimination pour le mariage de complaisance (art. 31, art. 21 quater Ord. 1945). Autrement dit, le fait de contracter un mariage aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française devient une infraction, punie de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. Les sanctions prévues sont alourdies en cas d'infraction en bande organisée. 
- Prévention des mariages de complaisance (art. 74 à 76) : les dispositions des art. 63, 170 et 175-2 du code civil sont renforcées (l'officier d'état civil procède à une audition commune des futurs époux avant la publication des bans et il peut procéder à une audition séparée en cas de soupçon de mariage forcée ou de mariage de complaisance; le procureur de la République peut renouveler une fois le sursis à la célébration du mariage, ...).

Mise en place d'une procédure de contrôle des actes de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays (art. 73, art. 47 du code civil) :
Ces actes font foi mais, en cas de doute, l'administration, saisie d'une demande d'établissement, de transcription ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, surseoit à la demande et informe l'intéressé qu'il peut, dans un délai de deux mois, saisir le procureur de la République de Nantes pour qu'il soit procédé à la vérification de l'authenticité de l'acte.

Audiences à proximité immédiate du lieu de rétention (art. 49 et 50, art. 35 bis I et 35 quater I Ord. 1945) :
Les audiences du tribunal de grande instance (TGI) peuvent avoir lieu à proximité immédiate du lieu de rétention, zone d'attente ou centre de rétention. Ainsi, ces "audiences foraines" peuvent se dérouler sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire dès lors qu'une salle spécialement aménagée permet de statuer publiquement (art. 50). En cas de nécessité, une seconde audience peut avoir au siège du tribunal de grande instance, le même jour que celle qui se tient dans la salle spécialement aménagée. Par décision du juge sur proposition du préfet ou, à Paris, du préfet de police, et avec le consentement de l'étranger, l'audience peut également se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. L'objectif est d'éviter de déplacer des étrangers, notamment de zones aéroportuaires, vers le centre de villes, ce qui mobilise d'importants effectifs policiers. 

Transport d'étrangers retenus (art. 53, art. 35 octies Ord. 1945) : 
Il est établi à titre expérimental, que le transfèrement des personnes retenues en centre de rétention ou en zone d'attente peut être confié à des sociétés privées. Toutefois, du fait d'une réserve d'interprétation de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 novembre 2003, la surveillance des personnes transportées ne peut être confiée à des agents privés mais doit être assurée par des agents de la force publique.

La "double peine" pour les étrangers délinquants (art. 78, art. 131-30s code pénal) : 
Par "double peine", il faut entendre qu'à la peine d'emprisonnement peut être adjointe une peine complémentaire, la peine d'interdiction du territoire français (ITF). Une solution de compromis a été trouvée : l'ITF est maintenue dans le code pénal mais son prononcé est étroitement encadré. D'une part, en matière correctionnelle, le tribunal ne peut prononcer l'interdiction du territoire français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger lorsque sont en cause certaines catégories d'étrangers (conjoint de nationalité française, parent d'un enfant français, etc.). D'autre part, elle est quasiment exclue pour cinq catégories d'étrangers (art. 78). Ce sont globalement les mêmes que celles pour lesquelles l'expulsion et la reconduite à la frontière sont quasiment impossibles.
Toutefois, même dans ces cas, l'ITF peut être prononcée en cas d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, d'actes de terrorisme, d'infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous, d'infractions en matière de fausse monnaie.

    GLOSSAIRE :  titre de séjour - regroupement familial - assimilation    

Décision du Conseil Constitutionnel
CC 20 novembre 2003 Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité

Voir aussi :
Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'Office national d'immigration - Décret n° 2005-968 du 10 août 2005 relatif aux conditions d'entrée et de séjour en France et de transfert vers un autre Etat de l'Union européenne des bénéficiaires de la protection temporaire et des membres de leur famille - Décret n° 2005-1051 du 23 août 2005 modifiant le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers - Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration


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