Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (Lien Legifrance, JO 06/07/2011, p. 11705)
Les principales dispositions
La loi de 19 articles change les terminologies en substituant à l'hospitalisation sans consentement, à la demande d'un tiers ou d'office, les soins psychiatriques en hospitalisation complète ou en soins ambulatoires. Elle renforce les garanties qui résultent de l'intervention du juge judiciaire, et particulièrement du juge des libertés et de la détention, notamment pour tenir compte d'une décision récente du Conseil constitutionnel. Elle modifie principalement la partie législative du code de la santé publique (CSP).
Observ. : 1° La notion de soins sans consentement contenue dans l'intitulé initial du projet de loi a été abandonnée au profit de celle de soins psychiatriques. 2° Le paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L. 3213 8 du code de la santé publique relatifs aux règles particulières applicables aux personnes hospitalisées après avoir commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui ont été admises en unité pour malades difficiles (UMD), issus de la présente loi, ont été annulés avec effets différés au 1er octobre 2013 par la décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012 du Conseil constitutionnel.
- Remplacement de la notion d'hospitalisation par celle de soins psychiatriques (art. 1er modifiant et complétant les art. L. 3211-1 et s. CSP ). Cela ouvre la possibilité d'une prise en charge en hospitalisation complète ou en soins ambulatoires accompagnés d'un programme de soins selon l'avis médical. Introduction d'une période d'observation de 72 heures maximum en hospitalisation complète après le prononcé de la mesure d'admission, permettant de choisir la modalité de prise en charge la plus adaptée, après un second certificat médical. Obligation pour le médecin de procéder dans les 24 H à un examen somatique complet de la personne et établissement d'un premier certificat médical constatant l'état mental de la personne et la nécessité de maintenir les soins psychiatriques. Possibilité à tout moment pour le juge des libertés et de la détention, saisi ou d'office, d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques, après avoir recueilli l'avis des soignants. Le juge des libertés et de la détention peut décider que l'audience se déroule dans la salle d'audience avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle (visioconférence) lorsque certaines conditions sont remplies. En tous cas, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre au-delà de quinze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement ou par le préfet n'ait statué sur cette mesure. Cela est la conséquence de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 n° 2010-71 QPC. Toutefois, notamment lorsque l'hospitalisation a été prononcée par une décision judiciaire en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale (mesure de sûreté ordonnée en cas de déclaration d'irresponsabilité), le délai est porté à six mois. Préalablement au maintien des soins, information de la personne et possibilité pour celle-ci de présenter ses observations si son état le permet. Affirmation du maintien de la totalité des droits et devoirs de citoyens pour la personne ayant fait l'objet de soins psychiatriques, à l'issue de ceux-ci (sauf application de mesures de protection de majeurs), sans que ces antécédents psychiatriques puissent lui être opposés.
- Admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, lorsque les troubles mentaux dont la personne souffre rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats (art. 2 modifiant les art. L. 3212-1 et s.). Il y a ainsi deux cas d'admission : 1° A la demande d'un tiers : membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci. Le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé est autorisé à faire la demande de soins. 2° En cas d'impossibilité d'obtenir une demande d'un tiers lorsqu'il y a un péril imminent pour la personne. Exigence pour la décision d'admission de deux certificats médicaux circonstanciés dont l'un au moins doit émaner d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement. Obligation de production d'un certificat médical après le cinquième jour et avant le neuvième jour d'admission en soins pour le maintien des soins, puis au moins chaque mois. Dans les trois derniers jours du premier mois suivant la décision d'admission, le préfet peut prononcer au vu du certificat médical, le maintien de la mesure pour une nouvelle durée de trois mois, puis à la fin de cette durée, la décision peut être maintenue pour une durée maximale de six mois renouvelable. Evaluation approfondie de l'état mental en cas de soins depuis plus d'un an.
- Admission en soins psychiatriques sur décision du préfet au titre de la sûreté des personnes et de la protection de l'ordre public au vu d'un certificat médical circonstancié (art. 3 modifiant les articles L. 3213-1 et s.). Obligation de production d'un certificat médical après le cinquième jour et avant le neuvième jour d'admission en soins. Pouvoir de proposition du psychiatre pour la levée de la mesure des soins, en tant que participant à la prise en charge du patient : le directeur de l'établissement doit transmettre la demande au préfet qui en cas de refus informe le directeur de l'établissement et celui-ci saisi le juge des libertés et de la détention. Possibilité pour le préfet de demander une expertise psychiatrique à tout moment d'une personne faisant l'objet d'une mesure de soins psychiatriques. Possibilité pour le préfet de prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques, après avis médical, lorsqu'il a été avisé par les autorités judiciaires de ce que l'état mental d'une personne qui a bénéficié, sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public. Procédure renforcée (avis du collège des soignants et deux avis concordants sur l'état mental du patient émis par deux psychiatres) pour que le préfet puisse décider de mettre fin à l'hospitalisation lorsque la personne a déjà été fait l'objet de soins psychiatriques au titre de la sûreté des personnes et de la protection de l'ordre public ou d'une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles. Obligation pour le préfet d'informer des décisions relatives aux soins le procureur de la République, le maire, la commission départementale des soins psychiatriques, la famille du patient ou la personne chargée de sa protection juridique.
- Procédure lorsque le représentant de l'Etat décide de ne pas suivre l'avis par lequel un psychiatre de l'établissement d'accueil constate qu'une mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète n'est plus nécessaire (art. 4 insérant l'art. L. 3213-9-1 CSP). Le patient est examiné par un deuxième psychiatre et si ce deuxième avis confirme l'absence de nécessité de l'hospitalisation complète, le représentant de l'Etat ordonne la mainlevée de cette mesure ou la mise en place d'une mesure de soins mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.
- Possibilité d'admission des détenus en soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète (art. 5 modifiant les art. L. 3214-1 et s.). Détermination des conditions de ces soins qui sont effectués soit dans une unité hospitalière spécialement aménagée d'un établissement de santé, soit, sur la base d'un certificat médical, au sein d'une unité pour malades difficiles (UMD) et des modalités de retour en détention en cas de mainlevée des soins ordonnée par le juge des libertés et de la détention (JLD). Les détenus mineurs peuvent être hospitalisés dans un établissement de santé en dehors d'une unité hospitalière spécialement aménagée.
- Détermination des actes susceptibles d'être sanctionnés dans le cadre de soins (maintien d'une mesure de soins malgré sa levée par le représentant de l'Etat, atteinte au droit au recours du patient, ...) et de diverses peines applicables aux directeurs d'établissement et aux médecins (art. 6 modifiant les art. L. 3215-1 et s.).
- Unification du contentieux des décisions portant sur les soins psychiatriques au profit du juge judiciaire (art. 7 insérant l'article L. 3216-1 CSP). Celui-ci devient ainsi compétent pour apprécier la régularité des décisions administratives relatives à l'admission aux soins alors qu'auparavant ce contentieux relevait de la juridiction administrative sur le fondement de la jurisprudence. L'irrégularité affectant une telle décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. Le tribunal de grande instance statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé des décisions administratives et il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées. L'ensemble de ces dispositions ne sont applicables qu'à compter du 1er janvier 2013 aux termes de l'article 18 de la loi.
- Rôle de l'agence régionale de santé (ARS) de veiller à la qualité et à la coordination des actions de soutien et d'accompagnement des familles et des aidants des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques menées par les établissements de santé et par les associations (art. 8 insérant l'art. L. 3221-4-1). Organisation par l'ARS d'un dispositif de réponse aux urgences psychiatriques en relation avec les services concernées (services d'aide médicale urgente, SDIS, police nationale, gendarmerie nationale, établissements mentionnés à l'article L. 3222-1, groupements de psychiatres libéraux, ...) (art. 8 insérant l'art. L. 3222-1-1). Instauration de conventions conclues entre le directeur de chaque établissement, le préfet, les collectivités territoriales et l'ARS en vue d'assurer le suivi et de favoriser la réinsertion sociale des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques (art. 8 insérant l'art. L. 3222-1-2).
- Prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète dans une unité pour malades difficiles (UMD) lorsqu'elles présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique (art. 8 rétablissant l'art. L. 3222-3). Les modalités d'admission dans une unité pour malades difficiles sont prévues par décret en Conseil d'Etat.
- Visite sans publicité préalable au moins une fois par an des établissements concernés par le préfet, par le président du tribunal de grande instance, par le procureur de la République et par le maire de la commune (art. 8 modifiant article L. 3222-4).
- Mesures de coordination dans le code de la santé publique (remplacement de «hospitalisation» par «soins», etc.) et mise en place de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (art. 9).
- Mesures de coordination dans le code de procédure pénale : remplacement de «hospitalisation d'office» par «mesure de soins psychiatriques», de «hospitalisation d'office de la personne» par «admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d'une hospitalisation complète», etc.(art. 10).
- Rapport du Gouvernement au Parlement, dans un délai d'un an, sur l'état de la recherche médicale française en psychiatrie (art. 11).
- Rapport du Gouvernement au Parlement, dans un délai de six mois, relatif à l'évolution du statut et des modalités de fonctionnement de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (art. 12).
- Condition d'application de la loi en en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (art. 13 et 14).
- Abrogation du chapitre IV du titre Ier du livre VIII de la troisième partie du CSP portant sur la lutte contre les maladies mentales en Nouvelle-Calédonie et Polynésie française (art. 15)..
- Adaptation rédactionnelle en ce qui concerne la substitution des soins à l'hospitalisation et l'arrêté de transfert pris par le représentant de l'Etat à Saint-Martin, en Guadeloupe ou en Martinique (art. 16 et 17).
- Entrée en vigueur de la loi au 1er août 2011, sous des réserves (art. 18).
- Evaluation de la loi par le Gouvernement dans les trois années qui suivent sa promulgation (art. 19).
Plan de la loi
Titre Ier : Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques (art. 1er)
Titre II : Suivi des patients (art. 2 à 4)
Titre III : Dispositions diverses (art. 5 à 12)
Titre IV : Dispositions applicables à l'outre-mer (art. 13 à 17)
Titre V : Dispositions transitoires (art. 18 et 19)
A voir également : Décret n° 2011-898 du 28 juillet 2011 relatif aux dispositions d'application en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel
Rubriques : santé / défense, police, sécurité civile / droit, justice et professions juridiques
Commentaires
CASTAING Cécile, Pouvoir administratif versus pouvoir médical ?, AJDA, 2011, 31 oct., pp. 2055-2062.
Voir aussi :
CC 26 novembre 2010 Melle Danielle S. [Hospitalisation sans consentement] - TC 17 février 1997 Préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris c/ M. M. - Décret n° 2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge - Décret n° 2011-846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques - CC 20 avril 2012 Association Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie [Dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement]