Ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement (Lien Legifrance, JO 06/08/2013, p. 13396)

Les principales dispositions
    L'ordonnance intervient sur le fondement de l'habilitation donnée au gouvernement, par l'article 12 de la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement. Après cette loi qui a étendu le principe de participation aux décisions d'espèce de l'Etat ayant une incidence sur l'environnement, elle vise à achever de mettre l'état du droit en conformité avec notamment la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 2012 n° 2012-282 QPC ayant déclaré l'article L. 120-1 du code de l'environnement contraire à la Constitution pour méconnaître l'article 7 de la Charte de l'environnement en limitant la participation du public aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics.

    L'article 1er modifie l'article L. 120-1 du code de l'environnement qui définit les conditions et limites d'application du principe de participation aux décisions autres qu'individuelles, c'est-à-dire réglementaires et d'espèce, prévu par la Charte de l'environnement, pour l'étendre à l'ensemble des autorités publiques, donc notamment les collectivités territoriales. Auparavant il ne s'appliquait qu'aux décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et les établissements publics de l'Etat. En outre, afin de tenir compte de la situation des collectivités territoriales et des groupements de collectivités les moins importants, la possibilité leur est offerte de recourir à des modalités de participation du public alternatives : registre papier pour les communes de moins de 10 000 habitants et les groupements de collectivités territoriales dont la population totale est inférieure à 30 000 habitants, tenue d'une réunion publique pour les communes de moins de 2 000 habitants.

    L'article 2 insère dans le code de l'environnement, un article L. 120-1-1 qui définit un dispositif de participation du public à l'élaboration des décisions individuelles des autorités publiques qui ne s'applique qu'en l'absence de procédure particulière (dispositif supplétif). Il exclut donc de son champ d'application les décisions individuelles appartenant à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. Il en est de même des décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent des décisions appartenant à une telle catégorie. Il précise en outre que ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif tenant ainsi compte de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel (v. not. les décisions n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, n° 2013-308 QPC du 26 avril 2013 et n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013). Le dispositif supplétif ne s'applique pas aux décisions individuelles pour lesquelles les autorités publiques ne disposent d'aucun pouvoir d'appréciation. Dans cette hypothèse, en effet, la participation du public serait vaine, dès lors que le projet de décision ne pourrait pas être modifié pour tenir compte des observations du public. Il ne s'applique pas non plus aux mises en demeure et sanctions, dès lors que ces décisions peuvent être regardées comme n'ayant pas d'incidence directe sur l'environnement : elles ont en effet pour seul objet d'assurer le respect d'obligations préexistantes (qu'elles résultent d'une réglementation ou d'un acte individuel tel qu'une autorisation), qui doivent seules, le cas échéant, être regardées comme ayant une telle incidence. Les modalités de participation comprennent la consultation par voie électronique et des modalités alternatives de participation du public en faveur des communes de moins de 10 000 habitants et des groupements de collectivités territoriales dont la population totale est de moins de 30 000 habitants : les observations du public pourront être recueillies sur un registre papier, l'objet et les modalités de la consultation devant avoir été portés à la connaissance du public par voie d'affichage ainsi que, pour les communes et groupements de collectivités qui disposent d'un site internet, par voie électronique.
    Il insère un nouvel article L. 120-1-2 dans le code de l'environnement qui étend aux décisions autres que celles mentionnées au I de l'article L. 120-1 du code de l'environnement les dispositions selon lesquelles, dans les cas d'urgence justifiée par la protection de l'environnement, la santé publique ou l'ordre public, la participation du public peut être exclue ou les délais réduits.
    Il insère un nouvel article L. 120-1-3 qui reprend, en les étendant aux décisions autres que celles mentionnées au I de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, les dispositions de cet article, qui prévoient que les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue de protéger certains intérêts : le secret de la défense nationale, la sécurité publique et la sécurité des personnes, la protection de la vie privée ou encore le secret en matière commerciale et industrielle.
    Enfin, il insère le nouvel article L. 120-1-4 qui précise, s'agissant des décisions individuelles, que la participation du public peut être exclue lorsqu'il n'est pas possible d'y procéder sans porter atteinte aux intérêts concernés.

    L'article 3 réécrit l'article L. 120-2 du code de l'environnement pour écarter l'application de la procédure supplétive de participation du public définie aux articles L. 120-1 à L. 120-1-4 lorsque le public peut être regardé comme ayant été mis en mesure de se prononcer sur les enjeux de la décision en cause à l'occasion de l'élaboration d'un acte situé en amont de cette décision. Il en est ainsi des décisions prises conformément à une décision réglementaire ou d'espèce ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à la participation du public lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d'apprécier l'incidence sur l'environnement des décisions susceptibles d'être prises conformément à celui-ci. Il en est de même des décisions prises dans le cadre de lignes directrices, pourvu que celles-ci aient été soumises à participation du public dans des conditions conformes à l'article L. 120-1, que leurs énonciations permettent au public d'apprécier l'incidence sur l'environnement des décisions individuelles concernées et qu'il n'y ait pas été dérogé. Les lignes directrices ainsi visées sont celles par lesquelles, dans le cadre tracé par la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 11 décembre 1970, Crédit foncier de France, l'autorité administrative compétente définit des orientations en vue de l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui laissent les dispositions législatives et réglementaires applicables.

    L'article 4 est une disposition de coordination.

    L'article 5 comporte des dispositions visant à mettre en conformité avec l'article 7 de la Charte de l'environnement la procédure d'élaboration de certaines catégories de décisions individuelles. Il modifie l'article L. 411-2 du code de l'environnement, afin d'y insérer un 4° qui définit les cas dans lesquels il est possible d'accorder des dérogations aux dispositions des 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, qui interdisent toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et toute destruction, altération ou dégradation de leur milieu, lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation. En effet, le 4° de l'article L. 411-2 a été déclaré contraire à la Constitution, faute d'organiser la participation du public à l'élaboration des décisions prises sur son fondement, par la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012, qui a reporté au 1er septembre 2013 la date d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Le 2° a pour portée, de même, de rendre applicable à l'élaboration des décisions prises sur les demandes d'autorisation des projets d'introduction dans le milieu naturel d'espèces à la fois non indigènes et non domestiques ou cultivées les dispositions supplétives de l'article L. 120-1-1.

    Les articles 6 et 7 rendent applicables la nouvelle rédaction de l'article L. 120-1 du code de l'environnement et l'article L. 120-1-1 du même code aux décisions ayant une incidence sur l'environnement prises, respectivement, en application du code forestier et en application de la législation nationale ou des règlements de l'Union européenne relatifs à la pêche maritime et à l'aquaculture marine.

    L'article 8 prévoit que l'ordonnance entre en vigueur le 1er septembre 2013, date de prise d'effet des déclarations d'inconstitutionnalité, par le Conseil constitutionnel, de l'article L. 120-1 du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 27 décembre 2012 précitée et du 4° de l'article L. 411-2 du même code (respectivement décisions n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 et n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012). Il est toutefois prévu que les dispositions de l'ordonnance ne s'appliqueront pas aux décisions publiques prises en application du code forestier et en application de la législation nationale ou des règlements de l'Union européenne relatifs à la pêche maritime et à l'aquaculture marine pour lesquelles une consultation du public a été engagée avant le 1er septembre 2013 dans les conditions prévues par les dispositions législatives qui leur étaient applicables antérieurement à cette date.

    Voir aussi le rapport au président de la République sur l'ordonnance.

    GLOSSAIRE :  décision d'espèce - Charte de l'environnement    

Rubriques :  environnement / relations entre l'administration et les citoyens

Voir aussi :
CC 23 novembre 2012 Association France Nature Environnement et autre [Autorisation d'installation de bâches publicitaires et autres dispositifs de publicité] - CC 26 avril 2013 Association « Ensemble pour la planète » [Nouvelle-Calédonie - Autorisations de travaux de recherches minières] - CC 24 mai 2013 Syndicat français de l'industrie cimentière et autre [Quantité minimale de matériaux en bois dans certaines constructions nouvelles] - CC 27 juillet 2012 Union Départementale pour la Sauvegarde de la Vie, de la Nature et de l'Environnement et autres[Dérogations aux mesures de préservation du patrimoine biologique et principe de participation du public] - CE Sect. 11 décembre 1970 Crédit foncier de France c/ Dlle Gaupillat et Dame Ader

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