Loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (loi DADVSI) (JO 03/08/2006, p.  11529)

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Les principales dispositions
    La loi, 51 articles après la décision du Conseil constitutionnel, principalement transpose la directive 2001/29/CE du parlement européen et du conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (titre Ier). Elle modifie essentiellement la partie législative du code de la propriété intellectuelle (ci-après le code concerné en l'absence de toute référence) et substantiellement la complète. Sur de nombreux points, elle complète également la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, notamment pour encadrer les comportements dans l'utilisation de l'internet. Dans ce but, elles définissent les comportements non autorisés (les infractions) et déterminent des moyens de contrôle et des sanctions. Si l'objectif attribué à la loi est la protection des droits des auteurs et d'un marché économique des œuvres, un enjeu sous-jacent paraît être le pouvoir de contrôle de l'Etat (voir notamment ce qui concerne le dépôt légal). En effet, par divers biais, et progressivement, l'Etat renforce ses moyens d'intervention, directs ou indirects, reconnus ou non, sur un média qui dans un premier temps a largement échappé à son emprise. Si cet accroissement des rôles du marché et de l'Etat était prévisible, une fois le public conquis par le nouveau média, son ampleur l'est moins, en raison notamment d'un caractère de l'internet qui est de permettre l'expression avec peu de moyens, d'intérêts antagonistes - dans la sphère marchande même -, de la durée nécessaire à certaines mises en œuvre, de la relative incertitude quant aux décisions judiciaires à venir. Cela étant, dès la publication de la loi, les nouvelles infractions peuvent être constatées et poursuivies. Pour cette raison en particulier, la loi du 1er août 2006 marque bien la fin de la grande liberté pour les utilisateurs de l'internet en France, même si évidemment elle ne se limite pas à cela.

TITRE IER DISPOSITIONS PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2001/29/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, DU 22 MAI 2001, SUR L'HARMONISATION DE CERTAINS ASPECTS DU DROIT D'AUTEUR ET DES DROITS VOISINS DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
Chapitre Ier Exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins (art. 1 à 6)
Des exceptions nouvelles aux droits patrimoniaux des auteurs et des titulaires de droits voisins sont reconnues (art. 1er modifiant l'art. L. 122-5) :
    Le «test en trois étapes», principe essentiel du droit de la propriété littéraire et artistique européen et international énoncé à l'article 5-5 de la directive, et conforme aux traités de l'OMPI relatifs au droit d'auteur et aux droits voisins et à l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), est transposé en droit français (art. 1 à 3). Ce principe fixe les limites des exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins : elles doivent constituer des « cas spéciaux » et ne pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires de droits.

    Sont autorisées, l'extraction et la réutilisation d'une base de données par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que bibliothèques, archives, centres de documentation et espaces culturels multimédia, en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, ainsi que l'extraction et la réutilisation d'une partie substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public auquel cette extraction et cette réutilisation sont destinées, est composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants ou de chercheurs directement concernés, que la source est indiquée, que l'utilisation de cette extraction et cette réutilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire (entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2009). (art. 3 modifiant l'article L. 342-3).

    Dès lors que la première vente d'un exemplaire matériel d'une œuvre ou d'une fixation protégée a été autorisée par l'auteur ou le titulaire de droits, ou leurs ayants droit, sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ils ne peuvent s'opposer à sa revente dans un autre Etat de ces zones (art. 4 insérant des articles L. 122-3-1 et L. 211-6).

Chapitre II Durée des droits voisins (art. 7 et 8)
    Le point de départ pour la durée cinquantenaire des droits patrimoniaux devient la première fixation de l'oeuvre (art. 7 modifiant l'art. L. 211-4). Cela a pour effet d'allonger la durée de la protection .

Chapitre III Commission de la copie privée (art. 9 et 10)
Chapitre IV Mesures techniques de protection et d'information (art. 11 à 30)
    Le contrat mentionne la faculté pour le producteur de recourir aux mesures techniques prévues à l’article L. 331-5 ainsi qu’aux informations sous forme électronique prévues à l’article L. 331-22 en précisant les objectifs poursuivis pour chaque mode d’exploitation, de même que les conditions dans lesquelles l’auteur peut avoir accès aux caractéristiques essentielles desdites mesures techniques ou informations sous forme électronique auxquelles le producteur a effectivement recours pour assurer l’exploitation de l’œuvre (art. 11 insérant un art. L. 131-9).

    Les mesures techniques efficaces (application d'un code d'accès, d'un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage, etc.) destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, sont également protégées (art. 13 insérant un article L. 331-5).

    L'Autorité de régulation des mesures techniques veille à ce que les mesures techniques de protection n'aient pas pour conséquence, du fait de leur incompatibilité mutuelle ou de leur incapacité d'interopérer, d'entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles expressément décidées par le titulaire d'un droit d'auteur sur une oeuvre autre qu'un logiciel ou par le titulaire d'un droit voisin sur une interprétation, un phonogramme, un vidéogramme ou un programme (art. 14 insérant des articles L. 331-6 et L. 331-7). Tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service peut, en cas de refus d'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité, demander à cette autorité de garantir l'interopérabilité des systèmes et des services existants. Elle a le pouvoir d'infliger des sanctions lorsque ses injonctions ne sont pas suivies d'effets.

    Une déclaration préalable est exigée avant l'importation, la fourniture ou l'édition de logiciels susceptibles de traiter des oeuvres protégées et intégrant des mesures techniques permettant le contrôle à distance, direct ou indirect, d'une ou plusieurs fonctionnalités ou l'accès à des données personnelles (art. 15).

    Le cadre de l'exception de copie privée est fixé, ainsi que les conditions pour bénéficier des diverses exceptions avec notamment la reconnaissance d'un rôle de conciliation à l'Autorité de régulation des mesures techniques en cas de différend (art. 16 insérant des articles L. 331-8 à L. 331-16). Si les titulaires de droits peuvent recourir à des mesures techniques ayant pour objectif de limiter le nombre de copies, ils doivent veiller au respect des exceptions. Les utilisateurs doivent être informés des mesures techniques de protection prises. Un décret en Conseil d'Etat doit intervenir afin de déterminer les conditions d'application de ces dispositions relatives aux exceptions. 

    Le statut, la mission, la composition, les moyens et la procédure de décision de l'Autorité de régulation des mesures techniques sont précisés (art. 17 insérant cinq articles L. 331-17 à L. 331-21). Elle est qualifiée d'autorité administrative indépendante ayant une mission générale de veille dans les domaines des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres et des objets protégés par le droit d'auteur ou par les droits voisins. Elle est composée notamment de magistrats judiciaire, administratif et financier.

    Les informations sous forme électronique fournies par un titulaire de droits sur le régime des droits afférents à une oeuvre sont protégées (art. 18 insérant un art. L. 331-22).

    Le code de la propriété intellectuelle est complété afin de prévoir des sanctions pénales en cas :
    L'art. 24 qui était censé permettre une modulation des sanctions pour les utilisateurs de logiciels d'échanges de pair à pair a été entièrement censuré par le Conseil constitutionnel.

    Une obligation de vigilance est établie à l'encontre du titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne : il doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits (art. 25).

    Les pouvoirs du juge (fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, confiscation des recettes, affichage de la condamnation, etc. ) s'appliquent aux nouvelles incriminations (art. 26 modifiant les articles L. 335-5 à L. 335-9).

    Lorsqu'un logiciel est principalement utilisé pour la mise à disposition illicite d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, peut ordonner sous astreinte toutes mesures nécessaires à la protection de ce droit (art. 27 insérant dans le CPI un nouveau chapitre consacré à la prévention du téléchargement illicite et un article L. 336-1).

    Une obligation de sensibilisation du public sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique est établie envers les fournisseurs d'accès Internet (art. 28 insérant un art. L. 336-2). Un décret en Conseil d'Etat doit déterminer les modalités de diffusion de ces messages.

    Les mesures techniques efficaces qui sont propres à empêcher ou à limiter les utilisations d'une base de données que le producteur n'a pas autorisées bénéficient de la protection prévue à l'article L. 335-4-1 (l'atteinte constituant une infraction) (art. 29 insérant des art. L. 342-3-1 et L. 342-3-2).

    La rediffusion d'un signal à partir d'une antenne collective dans un immeuble ne peut donner lieu à de nouvelles perceptions de droits (art. 30 complétant l'art.. L. 132-20 et insérant un art. L. 216-1). Autrement dit, l'autorisation de télédiffuser une oeuvre, la prestation d'un artiste-interprète, un phonogramme, un vidéogramme ou les programmes d'une entreprise de communication audiovisuelle par voie hertzienne comprend la distribution à des fins non commerciales de cette télédiffusion sur les réseaux internes aux immeubles collectifs à usage d'habitation installés par leurs propriétaires.

TITRE II DROIT D'AUTEUR DES AGENTS DE L'ÉTAT, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE ADMINISTRATIF (ART. 31 À 33)
TITRE III DISPOSITIONS APPLICABLES AUX SOCIÉTÉS DE PERCEPTION ET DE RÉPARTITION DES DROITS (ART. 34 À 38)
TITRE IV DÉPÔT LÉGAL (ART. 39 À 47)
TITRE V DISPOSITIONS DIVERSES (ART. 48 À 52)
(A titre de mémoire, on peut rappeler l'idée abandonnée de "licence globale": le paiement d'un montant forfaitaire par les utilisateurs d'internet souhaitant effectuer des téléchargements afin de permettre par l'intermédiaire de sociétés de répartition de droits, la rémunération des auteurs rendant disponibles leurs oeuvres).

Décision du Conseil Constitutionnel
CC 27 juillet 2006 Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information

Rubriques :  médias et communications / droits civils, famille, dons et legs

Commentaires
BLANCHARD Marie, L'exception de copie privée à l'épreuve du contexte, LPA, 2006, 7 nov., pp. 5-.9.
DREYFUS Jean-David, Brèves remarques sur le droit d'auteur des agents publics après la loi du 1er août 2006, AJDA, 2006, 20 nov., pp. 2179-2182.
CHAGNOLLAUD Dominique, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information : le droit d'auteur des enseignants-chercheurs et des chercheurs, agents-publics, LPA, 2006, 3 oct., p. 6.
DERIEUX Emmanuel, L'avenir du droit d'auteur ? (A multiplier les exceptions et les dérogations, celles-ci vont devenir la règle ; et le droit d'auteur, l'exception), LPA, 2006, 28 juin, p. 14.
FOREST David, Projet de loi DADVSI et licence légale : un tournant dangereux, LPA, 2006, 4 janv., p. 4.
FERNANDEZ Pascal, Projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, LPA, 2004, 22 mars, p. 9.

Voir aussi :
Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique - Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication - CE Sect. int. avis 21 novembre 1972 Propriété intellectuelle et personnes publiques (Ofrateme)

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