Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution (Lien Legifrance, JO 11/12/2009, p. 21379)
Les principales dispositions
La loi organique de cinq articles intervient pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution, issu de l'art. 29 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, ayant instauré un contrôle par voie d'exception de la constitutionnalité des lois déjà entrées en vigueur (contrôle a posteriori). Cette réforme permet à tout justiciable de soutenir devant une juridiction qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La juridiction décide de transmettre ou non au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, compétents pour décider du renvoi devant le Conseil constitutionnel. Celui-ci tranche la question de constitutionnalité et, le cas échéant, abroge la disposition législative jugée contraire à la Constitution (art. 62 de la Constitution issu de l'art. 30 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008). La loi organique entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa promulgation, soit le 1er mars 2010 (art. 5).
La loi organique détermine les règles applicables devant les juridictions du fond, devant le Conseil d'État et la Cour de cassation et devant le Conseil constitutionnel. Elle fixe notamment les conditions de recevabilité de la question préalable de constitutionnalité (QPC) et précise les modalités et les délais de son examen. Elle complète essentiellement l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel par un nouveau chapitre consacré à la question prioritaire de constitutionnalité divisé en trois sections (art. 1 de la loi organique insérant les art. 23-1 à 23-12 dans l'ordonnance).
I. Règles applicables devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation (art. 23-1 à 23-3)II. Règles applicables devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation (art. 23-4 à 23-7)
- Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être présenté devant une juridiction relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation (art. 23-1). Cela n'exclut que quelques juridictions, essentiellement le Tribunal des conflits qui ne relève d'aucune de ces deux juridictions suprêmes. Il est même précisé que le moyen peut être présenté pour la première fois en appel. Mais il est explicitement exclu qu'il soit présenté devant la cour d'assises. On ne peut exclure que des restrictions puissent être posées par les juges suprêmes.
- La seule condition formelle de recevabilité posée est celle d'un écrit "distinct et motivé" (art. 23-1). Mais il est précisé que le moyen ne peut être relevé d'office.
- La juridiction saisie n'a pas de délai à respecter pour statuer sur la transmission de la QPC au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation (art. 23-2). Mais elle doit le faire dans un bref délai ("sans délai"). Trois conditions doivent être remplies :
- 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
- 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
- 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
- La juridiction doit se prononcer en priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité lorsqu'elle est saisie en même temps d'un moyen contestant la conformité d'une disposition législative aux engagements internationaux de la France (art. 23-2, al. 5).
- La décision de transmettre la QPC au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation n'est susceptible d'aucun recours (art. 23-2, dernier aliéna). Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.
- Lorsque la juridiction décide de transmettre la QPC, elle surseoit à statuer jusqu'à la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation mais le cours de l'instruction n'est pas suspendu (art. 23-3). La juridiction peut prendre des mesures provisoires ou conservatoires. Le principe du sursis à statuer connaît deux catégories d'exception : 1° Lorsqu'une personne est privée de liberté à raison de l'instance ou lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté ; 2° Si la loi ou le règlement prévoit que la juridiction statue dans un délai déterminé ou en urgence. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.
III. Règles applicables devant le Conseil constitutionnel (art. 23-8 à 23-12)
- Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission, le Conseil d'État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel (art. 23-4). Les conditions de ce renvoi au Conseil constitutionnel sont les deux premières conditions prévues à l'article 23-2 et la 3ème condition est renforcée. En effet, il doit s'agir d'une question nouvelle ou présentant un caractère sérieux (au lieu de non dépourvue de caractère sérieux comme à l'art. 23-2). Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation sont un second niveau de filtre.
- Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation (art. 23-5). Le régime juridique de ces QPC posées directement aux deux juridictions suprêmes est par ailleurs peu différent de celui applicable à celles qui leur sont transmises (délai de trois mois, renvoi au Conseil constitutionnel subordonné aux conditions de l'art. 23-4, sursis à statuer en cas de renvoi).
- La procédure des QPC est particulière au sein de la Cour de cassation (art. 23-6).
- En cas de transmission de la QPC, la décision du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation est transmise au Conseil constitutionnel avec les mémoires ou les conclusions des parties (art. 23-7). Le Conseil constitutionnel reçoit une copie de la décision motivée par laquelle le Conseil d'État ou la Cour de cassation décide de ne pas le saisir d'une question prioritaire de constitutionnalité. Si le Conseil d'État ou la Cour de cassation ne s'est pas prononcé dans les délais prévus aux articles 23-4 et 23-5, la question est transmise au Conseil constitutionnel. La décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation est communiquée à la juridiction qui a transmis la question prioritaire de constitutionnalité et notifiée aux parties dans les huit jours de son prononcé.
Le code de justice administrative, le code de l'organisation judiciaire, le code de procédure pénale et le code des juridictions financières sont modifiées essentiellement pour indiquer par des renvois à l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, les règles devant être respectées pour la transmission par une juridiction du fond au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation et de renvoi par ces juridictions suprêmes au Conseil constitutionnel (art. 2). Il est ainsi ajouté les articles LO jo771-1 et LO jo771-2 au code de justice administrative.
- Le Conseil constitutionnel saisi d'une QPC doit en informer immédiatement les quatre plus hautes autorités de l'Etat (président de la République, Premier ministre, présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat) (art. 23-8). S'agissant des lois du pays, les autorités de Nouvelle-Calédonie doivent être informées.
- Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi de la question prioritaire de constitutionnalité, l'extinction, pour quelque cause que ce soit, de l'instance à l'occasion de laquelle la question a été posée est sans conséquence sur l'examen de la question (art. 23-9).
- Le Conseil constitutionnel dispose d'un délai de trois mois à compter de sa saisine pour statuer (art. 23-10). Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. L'audience est publique.
- La décision du Conseil constitutionnel est motivée, publiée au Journal officiel de la République française et notifiée aux parties et juridictions concernées (art. 23-11).
- L'aide juridictionnelle est majorée lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une QPC (art. 23-12).
Les dispositions d'une loi du pays de Nouvelle-Calédonie peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 précitée (art. 3 complétant l'article 107 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie).
Les modalités d'application de la loi organique doivent être fixées dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 précitée, c'est-à-dire par décret en conseil des ministres et par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel (art. 4).
GLOSSAIRE : lois du pays
Décision du Conseil Constitutionnel
CC 3 décembre 2009 Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution
Rubriques : contentieux / droit, justice et professions juridiques / pouvoirs publics
Commentaires
VERPEAUX Michel, La question préjudicielle de constitutionnalité et le projet de loi organique, AJDA, 2009, 3 août, pp. 1474-1480.
MILLET F.-X., Pour l'introduction d'un article 234 dans la constitution française, LPA, 22 avril, pp. 4-13.
FERRAIUOLO Patrice, La question prioritaire de constitutionnalité après la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : le point de vue d'un praticien, LPA, 2010, 26 fév., pp. 3-8.
BAGHESTANI Laurence, A propos de la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, LPA, 2010, 15 février, pp. 6-7.
BAILLON-PASSE Christian, Faut-il déjà modifier le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité ?, LPA, 2010, 5 oct., pp. 3-6.
Voir aussi :
Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République - Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel