Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information (Lien Legifrance, JO 23/12/2018)

Les principales dispositions
    Issue d'une proposition parlementaire, la loi de 20 articles répartis en cinq titres modifie principalement le code électoral et la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication.

TITRE IER : DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE ELECTORAL (art. 1er à 4)
    L'article 1er introduit dans le code électoral trois articles numérotés L. 112, L. 163-1 et L. 163-2 applicables aux élections législatives. L'article L. 163-1 impose aux opérateurs de plateforme en ligne, pendant les trois mois précédant ces scrutins, des obligations de transparence relatives à la promotion de « contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ». L'article L. 112 sanctionne la méconnaissance de ces obligations. L'article L. 163-2 instaure une procédure de référé civil permettant d'obtenir, pendant cette même période, la cessation de la diffusion de fausses informations sur les services de communication au public en ligne, lorsqu'elles sont de nature à altérer la sincérité du scrutin.. 

    L'article 2 applique le dispositif précédent (art. L. 163-1 et L. 163-2) aux élections sénatoriales (rétablissement de l'art. L. 306).

    L'article 3 applique le dispositif à l'élection en France des représentants au Parlement européen (ajout d'un art. 14-2 dans la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977).

    L'article 4 étend le dispositif aux opérations référendaires (ajout à l'art. L. 558-46 du code électoral).

TITRE II : DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986 RELATIVE À LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION (art. 5 à 10)
    L'article 5 complète l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 afin, d'une part, de permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de refuser de conclure une convention aux fins de diffusion d'un service de radio ou de télévision n'utilisant pas des fréquences assignées par ce conseil si la diffusion de ce service comporte un risque grave d'atteinte à la dignité de la personne humaine, à la liberté et à la propriété d'autrui, au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, à la protection de l'enfance et de l'adolescence, à la sauvegarde de l'ordre public, aux besoins de la défense nationale ou aux intérêts fondamentaux de la Nation, dont le fonctionnement régulier de ses institutions. Il en est de même lorsque la diffusion dudit service, eu égard à sa nature même, constituerait une violation des lois en vigueur. D'autre part, il dispose que lorsque la conclusion de la convention est sollicitée par une personne morale contrôlée par un État étranger, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, ou placée sous l'influence de cet État, le conseil peut, pour apprécier la demande, tenir compte des contenus que le demandeur, ses filiales, la personne morale qui le contrôle ou les filiales de celle-ci éditent sur d'autres services de communication au public par voie électronique.

    L'article 6 attribue au Conseil supérieur de l'audiovisuel le pouvoir de suspendre la diffusion d'un service de radio ou de télévision ayant fait l'objet d'une convention conclue avec une personne morale contrôlée au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce par un État étranger ou placée sous l'influence de cet État en cas de diffusion de fausses informations en période électorale (insertion de l'article 33-1-1 dans la loi du 30 septembre 1986).

    L'article 7 est une simple modification rédactionnelle de l'article 42-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

    L'article 8, applicable aux services de radio ou de télévision distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et dont les obligations particulières sont définies dans une convention conclue avec ce dernier, permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel, après mise en demeure, de résilier unilatéralement une telle convention, lorsqu'elle a été conclue avec une personne morale contrôlée par un État étranger ou placée sous l'influence de cet État, au motif que le service de radio ou de télévision porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, « dont le fonctionnement régulier de ses institutions, notamment par la diffusion de fausses informations » (rétablissement d'un article 42-6 dans la loi du 30 septembre 1986). Il autorise aussi le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour apprécier cette atteinte, à tenir compte des contenus édités, sur d'autres services de communication au public par voie électronique, par la société avec laquelle il a conclu la convention, par ses filiales, par la personne morale qui la contrôle ou par les filiales de celle-ci, sans toutefois pouvoir fonder sa décision sur ces seuls éléments.

    L'article 9 est un article de coordination pour tenir compte de l'article précédent (modif. de l'art. 42-7 de la loi du 30 septembre 1986).

    L'article 10 permet au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel de saisir le juge afin qu'il ordonne la cessation de la diffusion ou de la distribution, par un opérateur de réseaux satellitaires ou un distributeur de services, d'un service de communication audiovisuelle relevant de la compétence de la France et contrôlé par un État étranger ou placé sous son influence, si ce service porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, « dont le fonctionnement régulier de ses institutions, notamment par la diffusion de fausses informations » (insertion de l'art. 42-10 dans la loi du 30 septembre 1986). Ces dispositions précisent que, pour apprécier cette atteinte, le juge peut tenir compte des contenus édités, sur d'autres services de communication au public par voie électronique, par l'éditeur du service en cause, ses filiales, la personne morale qui le contrôle ou les filiales de cette dernière. Le même article 10 modifie l'article L. 553-1 du code de justice administrative..

TITRE III : DEVOIR DE COOPÉRATION DES OPÉRATEURS DE PLATEFORME EN LIGNE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DIFFUSION DE FAUSSES INFORMATIONS (art. 11 à 15)
    L'article 11 met à la charge des opérateurs de plateforme en ligne visés à l'article L. 163-1 du code électoral des mesures en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public ou d'altérer la sincérité du scrutin. Ils doivent mettre en place un dispositif permettant à leurs usagers de signaler de telles informations. Ils doivent également mettre en œuvre des mesures complémentaires pouvant notamment porter sur : la transparence des algorithmes ; la promotion des contenus issus d'entreprises et d'agences de presse et de services de communication audiovisuelle ; la lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations ; l'information des utilisateurs sur l'identité de la personne physique ou la raison sociale, le siège social et l'objet social des personnes morales leur versant des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ; l'information des utilisateurs sur la nature, l'origine et les modalités de diffusion des contenus ; l'éducation aux médias et à l'information.

    L'article 12 dispose que le Conseil supérieur de l'audiovisuel contribue à la lutte contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public ou de porter atteinte à la sincérité d'un des scrutins mentionnés (insertion d'un art. 17-2 dans la loi du 30 septembre 1986). En cas de nécessité, il adresse, à ce titre, aux opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l'article L. 163-1 du code électoral des recommandations visant à améliorer la lutte contre la diffusion de telles informations. Il s'assure du suivi de l'obligation pour les opérateurs de plateforme en ligne de prendre les mesures prévues à l'article 11 de la présente loi . Il publie un bilan périodique de leur application et de leur effectivité. À cette fin, il recueille auprès de ces opérateurs, dans les conditions fixées à l'article 19 de la présente loi, toutes les informations nécessaires à l'élaboration de ce bilan. 

    L'article 13 impose aux opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l'article L. 163-1 du code électoral de désigner un représentant légal exerçant les fonctions d'interlocuteur référent sur le territoire français.

    L'article 14 impose aux opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l'article L. 163-1 du code électoral qui recourent à des algorithmes de recommandation, classement ou référencement de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général publient des statistiques agrégées sur leur fonctionnement. Sont mentionnées pour chaque contenu : 1° La part d'accès direct, sans recours aux algorithmes de recommandation, classement ou référencement ; 2° Les parts d'accès indirects imputables, d'une part, à l'algorithme du moteur de recherche interne de la plateforme le cas échéant et, d'autre part, aux autres algorithmes de recommandation, classement ou référencement de la plateforme qui sont intervenus dans l'accès aux contenus. Ces statistiques sont publiées en ligne et accessibles à tous, dans un format libre et ouvert.

    L'article 15 autorise la conclusion d'accords de coopération relatifs à la lutte contre la diffusion de fausses informations entre les opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l'article L. 163-1 du code électoral, les agences de presse, les éditeurs de publication de presse ou de services de presse en ligne, les éditeurs de services de communication audiovisuelle, les annonceurs, les organisations représentatives des journalistes et toute autre organisation susceptible de contribuer à la lutte contre la diffusion de fausses informations.

TITRE IV : DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉDUCATION AUX MÉDIAS ET À L'INFORMATION (art. 16 à 19)
    L'article 16 renforce l'éducation aux médias et à l'information dans le cadre de l'enseignement moral et civique en indiquant qu'il vise notamment à amener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi, y compris dans leur usage de l'internet et des services de communication au public en ligne.

    L'article 17 précise que l'éducation aux médias et à l'information comprise dans la formation dispensée à tous les élèves des collèges comprend une formation à l'analyse critique de l'information disponible (modif de l'art. L. 332-5 du code de l'éducation).

    L'article 18 précise les missions des écoles supérieures du professorat et de l'éducation en matière d'éducation aux médias et à l'information : obligation de dispenser une formation à l'analyse critique de l'information disponible (modif. de l'art. L721-2 du code de l'éducation). 

    L'article 19 décide l'inscription dans les conventions que le CSA passe avec les chaînes hertziennes privées des mesures propres à contribuer à l'éducation aux médias et à l'information (rétablissement du 3° de l'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986).

TITRE V : DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER (art. 20)
    L'article 20 porte sur l'application de la loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Plan de la loi
TITRE IER : DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE ELECTORAL (art. 1er à 4)
TITRE II : DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986 RELATIVE À LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION (art. 5 à 10)
TITRE III : DEVOIR DE COOPÉRATION DES OPÉRATEURS DE PLATEFORME EN LIGNE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DIFFUSION DE FAUSSES INFORMATIONS (art. 11 à 15)
TITRE IV : DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉDUCATION AUX MÉDIAS ET À L'INFORMATION (art. 16 à 19)
TITRE V : DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER (art. 20)


Décision du Conseil Constitutionnel
CC 20 décembre 2018 Loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information n° 2018-773 DC

Rubriques :  médias, télécommunications, informatique / élections

Commentaires
RAMBAUD Romain, Lutter contre les manipulations de l'information (comment. Loi org n° 2018-1201 et Loi n° 2218-1202 du 22 décembre 2018), AJDA, 2019, 4 mars, pp. 453-461.

Voir aussi :
Loi organique n° 2018-1201 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information - Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication - Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique - Décret n° 2019-297 du 10 avril 2019 relatif aux obligations d'information des opérateurs de plateforme en ligne assurant la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général


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