Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits (Lien Legifrance, JO 30/03/2011, p. 5497)
Les principales dispositions
Le Défenseur des droits se substitue au Médiateur de la République, à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), au Défenseur des enfants et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est maintenu et il en est de même des autres autorités administratives indépendantes (CADA, CNIL, etc.). La loi organique intervient pour l'application de l'article 71-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a institué le Défenseur des droits. Elle comporte cinq titres et quarante-quatre articles.
TITRE Ier Dispositions générales (art. 1 à 3)TITRE II Dispositions relatives aux compétences et à la saisine du Défenseur des droits (art. 4 à 10)
- L'article 1er précise les modalités de nomination du Défenseur des droits. Il complète la disposition constitutionnelle de l'article 71-1 qui prévoit sa nomination pour six ans en indiquant que celle-ci se fait par décret en conseil des ministres, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, c'est-à-dire par le président de la République après avis des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée, sauf opposition dans chaque commission d'au moins.3/5 des suffrages exprimés. La cessation des fonctions, avant le terme du mandat de six ans, ne peut intervenir que sur la demande de l'intéressé ou en cas d'empêchement.
- L'article 2 affirme l'indépendance du Défenseur des droits : il « ne reçoit, dans l'exercice de ses attributions, aucune instruction ». Il le qualifie d'« autorité constitutionnelle indépendante », formule qu'il faut entendre après la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique, comme une autorité administrative dont l'indépendance trouve son fondement dans la Constitution. Lui et ses adjoints bénéficient d'une immunité pénale liée à leurs fonctions dont le Conseil constitutionnel a précisé les limites dans une réserve d'interprétation.
- L'article 3 fixe le régime juridique des incompatibilités du Défenseur des droits et de ses adjoints : incompatibilité avec les fonctions de membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique, social et environnemental et tout mandat électif, avec tout autre emploi public ou activité professionnelle et avec tout mandat social : président ou membre de conseil d'administration.
TITRE III Dispositions relatives à l'intervention du défenseur des droits (art. 11 à 36)
- L'article 4 détermine les missions du Défenseur des droits et reprend ainsi celles des institutions qu'il remplace : 1° Défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations (Médiateur de la République) ; 2° Défendre et promouvoir l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant (Défenseur des droits des enfants) ; 3° Lutter contre les discriminations, directes ou indirectes (HALDE) ; 4° Veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité (CNDS).
- L'article 5 détermine les personnes pouvant saisir directement le Défenseur des droits, c'est-à-dire sans filtre parlementaire : personne physique, et le cas échéant personne morale, dont les droits ou libertés sont en cause ainsi que ses ayants droit.
- L'article 6 précise les conditions de la saisine : gratuité, obligation de démarches préalables (sauf en matière de droits des enfants et de déontologie de la sécurité). Il précise aussi les effets de la saisine et notamment l'absence d'effet interruptif ou suspensif des délais de prescription des actions et de ceux relatifs à l'exercice des recours administratifs ou contentieux.
- L'article 7 maintient, à côté de la saisine directe, la possibilité de saisine du Défenseur des droits par un député, un sénateur ou un représentant français au Parlement européen et prévoit en outre la saisine par le Médiateur européen ou par un « homologue étranger ». Les présidents des assemblées parlementaires peuvent aussi décider de lui transmettre toute pétition dont elles ont été saisies et qui relèvent de sa compétence.
- L'article 8 précise les conditions de la saisine d'office ou par une personne autre que celle qui s'estime lésée : obligation d'informer préalablement la personne concernée, son absence d'opposition à la saisine.
- L'article 9 prévoit la transmission de réclamations à d'autres autorités indépendantes investies d'une mission de protection des droits et libertés comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
- L'article 10 pose des limites à la compétence du Défenseur des droits : il ne peut être saisi des différends entre personnes publiques et de ceux entre une personne publique et l'un de ses agents.
Chapitre Ier Dispositions relatives aux collèges (art. 11 à 17)Chapitre II Dispositions relatives aux moyens d'information du Défenseur des droits (art. 18 à 23)
- L'article 11 institue trois « adjoints du Défenseur des droits » nommés par le Premier ministre sur sa proposition : un Défenseur des enfants, un chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité, un chargé de la lutte contre les discriminations. Ils sont vice-présidents des collèges correspondants et dont le Défenseur des droits est le président.
- L'article 12 prévoit que le Défenseur des droits peut convoquer une réunion conjointe de plusieurs collèges et de ses adjoints.
- Les articles 13 à 15 indiquent la composition de chacun des collèges en cas de consultation par le Défenseur des droits sur une question nouvelle. Ils comprennent huit à dix membres, outre le Défenseur des droits et son adjoint, des personnalités qualifiées : deux ou trois nommées par chaque président d'assemblée parlementaire et, selon les collèges, des membres désignés par le vice-président du Conseil d'État, le président de la Cour de cassation et le président du Conseil économique, social et environnemental.
- L'article 16 précise les conditions d'exercice du mandat des adjoints du Défenseur des droits et des membres des collèges : causes de la fin du mandat (démission, empêchement, absences non justifiées), conditions de remplacement (pour la durée de mandat restant à courir).
- L'article 17 vise à prévenir les conflits d'intérêts en interdisant aux membres des collèges de participer à une délibération relative à un organisme au sein duquel actuellement ou au cours des trois années précédant la délibération, ils ont détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu un mandat.
Chapitre III Dispositions relatives aux pouvoirs du Défenseur des droits (art. 24 à 36)
- L'article 18 permet au Défenseur des droits de demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui. Celle-ci peut se faire assister du conseil de son choix. Il peut procéder à l'audition de toute personne dont le concours lui paraît utile. Les personnes physiques et morales ne peuvent s'y opposer. Le Défenseur des droits peut demander aux ministres de donner instruction aux corps de contrôle relevant de leur ministère d'accomplir, dans le cadre de leur compétence, toutes vérifications ou enquêtes.
- L'article 19 autorise le Défenseur des droits à demander au vice-président du Conseil d'Etat ou au premier président de la Cour des comptes de faire procéder à toutes études.
- L'article 20 instaure un régime de communication des informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission par le Défenseur des droits.
- L'article 21 accorde au Défenseur des droits le droit de saisir le juge des référés lorsque après mise en demeure, il n'est pas donné suite à ses demandes d'explication et de communications d'informations et de documents.
- L'article 22 détermine les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits peut procéder à des vérifications sur place dans des locaux administratifs ou privés, relevant des personnes publiques ou privées mises en cause. Lorsque l'autorité compétente s'oppose à la visite de locaux administratifs, le Défenseur des droits peut saisir le juge des référés et lorsque c'est la personne privée qui exerce ce droit, la visite ou la vérification sur place ne peut se dérouler qu'après l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter. Si l'urgence, la gravité des faits ou le risque de destruction ou de dissimulation de pièces le justifient, la visite peut avoir lieu sans que le responsable des locaux en ait été informé et sans qu'il puisse s'y opposer, sur autorisation préalable du juge des libertés et de la détention.
- L'article 23 règle les relations entre le Défenseur des droits et les autorités judiciaires lorsqu'il est saisi, ou se saisit d'office, de faits donnant lieu à une enquête préliminaire ou de flagrance ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires. Il a alors l'obligation d'obtenir un accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République avant de mettre en œuvre certaines de ses prérogatives.
TITRE IV Dispositions relatives à l'organisation et au fonctionnement du défenseur des droits (art. 37 à 39)
- L'article 24 est relatif à la recevabilité des réclamations et dispose que le Défenseur des droits doit indiquer les motifs pour lesquels il ne donne pas suite à une saisine.
- L'article 25 porte sur le pouvoir de recommandation du Défenseur des droits afin de garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et de régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement. Il peut recommander de régler en équité la situation de la personne dont il est saisi. Les autorités ou personnes intéressées informent le Défenseur des droits, dans le délai qu'il fixe, des suites données à ses recommandations. En cas de défaillance, le Défenseur des droits dispose d'un pouvoir d'injonction à l'égard de la personne mise en cause. Il peut lui enjoindre de prendre les mesures nécessaires et, en l'absence de suite, il établit un rapport spécial qu'il peut rendre public selon les modalités de son choix.
- L'article 26 donne un pouvoir de médiation au Défenseur des droits pour procéder à la résolution amiable des différends portés devant lui.
- L'article 27 lui reconnaît un pouvoir d'assistance à l'égard du demandeur s'estimant victime d'une discrimination ou invoquant la protection des droits de l'enfant, pour la constitution de dossier et identifier les procédures adaptées à son cas.
- L'article 28 donne au Défenseur des droits le pouvoir de proposer une transaction dont il présente les termes.
- L'article 29 prévoit que le Défenseur des droits peut saisir l'autorité disciplinaire compétente pour des faits constatés dans l'exercice de ses fonctions et lui paraissant justifier une sanction. Cette autorité doit alors l'informer des suites de sa saisine et présenter les motifs en cas d'absence de poursuites disciplinaires. En l'absence de suite, le Défenseur des droits peut établir un rapport spécial qui est communiqué à l'autorité disciplinaire. Il peut, selon des modalités qu'il détermine, rendre public ce rapport avec la réponse de cette autorité, afin de respecter le principe du contradictoire. Le Conseil constitutionnel a émis une réserve d'interprétation en ce qui concerne l'application de cet article aux magistrats.
- L'article 30 reconnaît au Défenseur des droits en cas de constatation d'une discrimination, directe ou indirecte, le pouvoir de demander à l'autorité publique de faire usage des pouvoirs de suspension ou de sanction à l'égard d'une personne physique ou morale soumise à agrément ou autorisation.
- L'article 31 donne au Défenseur des droits, à l'occasion d'une réclamation, la possibilité de consulter pour avis le Conseil d'Etat d'une question touchant à l'interprétation ou à la portée d'une disposition législative ou réglementaire.
- L'article 32 accorde au Défenseur des droits un pouvoir de proposition de modifications législatives ou réglementaires et lui reconnaît un rôle consultatif. Il peut ainsi être consulté par le Premier ministre sur tout projet de loi intervenant dans son champ de compétence.
- L'article 33 interdit au Défenseur des droits de remettre en cause une décision juridictionnelle et lui reconnaît la possibilité de présenter des observations, écrites ou orales, devant les juridictions. A l'inverse, il peut être invité à le faire par les juridictions.
- L'article 34 reconnaît au Défenseur des droits la possibilité de mener toute action de communication et d'information jugée opportune.
- L'article 35 dispose que le Défenseur des droits saisit les autorités locales compétentes de tout élément susceptible de justifier une intervention du service en charge de l'aide sociale à l'enfance.
- L'article 36 accorde un pouvoir d'information au Défenseur des droits. Il peut décider de rendre publics ses avis, recommandations ou décisions avec, le cas échéant, la réponse faite par la personne mise en cause, selon des modalités qu'il détermine. Il présente chaque année au président de la République, au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat, deux rapports publics : un rapport rendant compte de son activité générale et un rapport consacré aux droits de l'enfant. Il peut présenter aux mêmes instances tout autre rapport et le rendre public.
TITRE V Dispositions finales (art. 40 à 44)
- L'article 37 est relatif aux services du Défenseur des droits au niveau central. Ils ne peuvent comprendre que des fonctionnaires civils et militaires, des magistrats et des agents contractuels de droit public Il porte aussi sur ses délégués locaux. Placés sous son autorité, ils peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées. Le Défenseur des droits désigne un ou plusieurs délégués pour chaque établissement pénitentiaire afin de permettre aux personnes détenues de bénéficier des dispositions de la présente loi organique. Il peut déléguer à ses agents et à ses délégués spécialement habilités par le procureur général certaines de ses attributions.
- L'article 38 détermine les règles de secret applicables au Défenseur des droits et les étend à l'ensemble des personnels travaillant avec lui.
- L'article 39 porte sur le règlement intérieur et le code de déontologie qui sont applicables au Défenseur des droits, à ses adjoints, aux autres membres des collèges et aux agents de ses services.
Observ. : Une des principales réserves à l'égard de la nouvelle institution est son mode de désignation - déterminée par l'art. 71-1 de la Constitution - n'offrant pas toute garantie d'indépendance à l'égard de l'exécutif.
- Les articles 40 et 41 rendent incompatibles les fonctions de Défenseur des droits avec celles de membre du Conseil constitutionnel et de membre du Conseil supérieur de la magistrature dans les textes régissant ces institutions.
- L'article 42 règle les inéligibilités applicables au Défenseur des droits, notamment avec les fonctions de conseillers municipaux, généraux et régionaux. A cette fin, il modifie et complète le code électoral : modification des articles LO 130, LO 176, LO 319, LO 489, LO 516 et LO 544 ; insertion des articles LO 194-2, LO 230-3, LO 340-1.
- L'article 43 procède à des coordinations avec diverses lois organiques.
- L'article 44 fixe l'entrée en vigueur de la loi organique le lendemain de sa publication, soit le 31 mars 2011. A compter de cette date, le Défenseur des droits succède au Médiateur de la République dans ses droits et obligations et exerce les missions qui étaient les siennes. A compter du 1er mais 2011, il succède au Défenseur des enfants, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité et à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations.
GLOSSAIRE : Défenseur des droits - lois organiques - immunités - incompatibilités - inéligibilité - médiation - transaction - équité
Décision du Conseil Constitutionnel
CC 29 mars 2011 Loi organique relative au Défenseur des droits
Rubriques : pouvoirs publics / relations entre l'administration et les citoyens
Commentaires
DORD Olivier, Le Défenseur des droits ou la garantie rationalisée des droits et libertés, AJDA, 2011, 16 mai, pp. 958-963.
Voir aussi :
Loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits - Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République - Décret n° 2011-905 du 29 juillet 2011 relatif à l'organisation et au fonctionnement des services du Défenseur des droits - Décret n° 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits