Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (Lien Legifrance, JO 14/04/2016)

Les principales dispositions
    La loi de vingt-trois articles répartis en six chapitres a pour principales dispositions l'interdiction et l'incrimination de l'achat d'un acte sexuel en recourant à la prostitution et l'abolition du délit de racolage.

    Les fournisseurs d'accès internet doivent concourir à la lutte contre la diffusion des infractions de traite des êtres humains et de proxénétisme (art. 1er complétant l'art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique).

    La formation des travailleurs sociaux doit contribuer à leur qualification pour la prévention de la prostitution et l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains (art. 2 complétant l'art. L. 451-1 du CASF).

    Les personnes victimes de l'une des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal (traite des êtres humains et proxénétisme), ayant contribué par leur témoignage à la manifestation de la vérité et dont la vie ou l'intégrité physique est gravement mise en danger sur le territoire national, peuvent faire l'objet en tant que de besoin de la protection destinée à assurer leur sécurité organisée pour les "repentis" (art. 3 insérant l'art. 706-40-1 dans le code de procédure pénale).

    Les inspecteurs du travail sont habilités à constater l'infraction de traite des êtres humains (art. 4 complétant l'article L. 8112-2 du code du travail).

    Dans chaque département, l'Etat assure la protection des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains et leur fournit l'assistance dont elles ont besoin, notamment en leur procurant un placement dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale (art. 5 amplifiant l'art. L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles). Une instance chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains est créée dans chaque département. Présidée par le représentant de l'Etat dans le département, elle est composée de représentants de l'Etat, notamment des services de police et de gendarmerie, de représentants des collectivités territoriales, d'un magistrat, de professionnels de santé et de représentants d'associations. Un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle est proposé à toute personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle. Il est défini en fonction de l'évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux, afin de lui permettre d'accéder à des alternatives à la prostitution. L'engagement dans ce parcours élaboré et mis en œuvre, en accord avec la personne accompagnée, par une association, est autorisé par le préfet du département.

    Les personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle et les personnes victimes de l'une des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme sont classées parmi les personnes prioritaires pour l'attribution de logements sociaux (art. 6 complétant l'art. L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation).

    Un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées est créé au sein du budget de l'Etat (art. 7). Ce fonds contribue aux actions définies à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. Il soutient toute initiative visant à la sensibilisation des populations aux effets de la prostitution sur la santé et à la réduction des risques sanitaires, à la prévention de l'entrée dans la prostitution et à l'insertion des personnes prostituées. Les ressources du fonds sont constituées par : 1° Des crédits de l'Etat affectés à ces actions et dont le montant est fixé par la loi de finances de l'année ; 2° Les recettes provenant de la confiscation des biens et produits prévue au 1° de l'article 225-24 du code pénal. 

    Une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale de six mois peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger victime des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 (traite des êtres humains) et 225-5 à 225-10 (proxénétisme et infractions en résultant) du code pénal qui, ayant cessé l'activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle (art. 8 insérant l'art. L. 316-1-1 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites.

    Les victimes du proxénétisme et de la prostitution sont intégrés aux personnes pouvant bénéficier, dans des conditions sécurisantes, de places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (art. 10 modifiant l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles).

    L'incrimination de certains délits et crimes est aggravée lorsqu'ils sont commis sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l'exercice de cette activité (art. 11 complétant les art. 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal). Il en est de même du viol et des agressions sexuelles commis sur des personnes se livrant à la prostitution.

    Les victimes de proxénétisme ont droit, comme c'est déjà le cas pour les victimes de la traite des êtres humains, à la réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction, sans que soit nécessaire la preuve d'une incapacité permanente ou d'une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, les dommages physiques et psychologiques de cette activité étant connus (art. 12 modifiant l'article 706-3 du code de procédure pénale).

    Les associations ayant pour objet la lutte contre la traite et le proxénétisme et l'action sociale en faveur des personnes prostituées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée (art. 13 modifiant l'art. 2-22 du code de procédure pénale). Toutefois, l'association n'est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime. Si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, l'accord est donné par son représentant légal. Si l'association est reconnue d'utilité publique, son action est recevable y compris sans l'accord de la victime.

    L'huis clos au procès est de droit lorsque la victime de la traite ou du proxénétisme aggravé le demande (art. 14 modifiant l'art. 306 du code de procédure pénale).

    Le délit de racolage est supprimé par l'effet de la transposition d'une directive européenne demandant de supprimer toute victimisation supplémentaire des victimes de la traite et de la prostitution : il convient de protéger les personnes prostituées plutôt que de les interpeller (art. 15 abrogeant l'article 225-10-1 du code pénal). Par coordination trois articles du code pénal sont modifiés (art. 16).

    Le contenu de la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées est défini : prévenir les infections sexuellement transmissibles ainsi que les autres risques sanitaires, les risques sociaux et psychologiques liés à la prostitution (art. 17 ajoutant l'art. L. 1181-1 dans le code de la santé publique). Les actions de réduction des risques sont conduites selon des orientations définies par un document national de référence approuvé par décret.

    L'information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d'âge homogène (art. 18 insérant l'art. L. 312-17-1-1 dans le code de l'éducation).

    Les séances d'information et d'éducation à la sexualité dans les écoles, collèges et lycées doivent présenter une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes et contribuer à l'apprentissage du respect dû au corps humain (art. 19 complétant l'article L. 312-16 du code de l'éducation).

    L'achat d'un acte sexuel par recours à la prostitution est interdit et puni de l'amende prévue pour les contraventions de 5e classe (art. 20 insérant l'art. 611-1 dans le code pénal). Plus précisément, est ainsi incriminé : "Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage". Les personnes physiques coupables de cette contravention encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l'article 131-16 du code pénal et au deuxième alinéa de l'article 131-17 du même code (travail d'intérêt général). En cas de facteur aggravant (personne mineure ou présentant une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse), la peine encourue est de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (art. 20 modifiant l'art. 225-12-1 du code pénal). En cas de récidive, dans le cas de recours à la prostitution sans facteur aggravant, l'amende est portée à 3 750 €. 

    L'obligation d'accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels est ajoutée à la liste des peines complémentaires qui peuvent être prévues par le règlement réprimant une infraction (art. 21 complétant l'art. 131-16 du code pénal et aussi les art. 131-35-1 et 225-20).

    Le gouvernement remet au parlement un rapport sur l'application de la loi deux ans après sa promulgation (art. 22).

    La loi est applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Plan de la loi
Chapitre Ier : Renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle (art. 1er à 4)
Chapitre II : Protection des victimes de la prostitution et création d'un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle (art. 5 à 16)
Section 1 : Dispositions relatives à l'accompagnement des victimes de la prostitution (art. 5 à 14)
Section 2 : Dispositions portant transposition de l'article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (art. 15 et 16)

Chapitre III : Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées pour une prise en charge globale (art. 17)
Chapitre IV : Prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution (art. 18 et 19)
Chapitre V : Interdiction de l'achat d'un acte sexuel (art. 20 et 21)
Chapitre VI : Dispositions finales (art. 22 et 23)

Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel

Rubriques :  pénal et pénitentiaire / sécurité sociale et action sociale / défense, police, sécurité civile

Voir aussi :
Décret n° 2016-1467 du 28 octobre 2016 relatif au parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle et à l'agrément des associations participant à son élaboration et à sa mise en œuvre - Décret n° 2017-542 du 13 avril 2017 relatif à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) - CC 21 juillet 2017 M. Gérard Besançon [Huis clos de droit à la demande de la victime partie civile pour le jugement de certains crimes] n° 2017-645 QPC. - Décret n° 2017-1635 du 29 novembre 2017 relatif à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution - CC 1 février 2019 Association Médecins du monde et autres [Pénalisation des clients de personnes se livrant à la prostitution] n° 2018-761 QPC


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