Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (Lien Legifrance, JO 11/09/2018)

Les principales dispositions
    La loi comprend 70 articles (72 avant) répartis en cinq titres. Ci-après en l'absence de précision, il est fait référence au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

TITRE IER ACCÉLÉRER LE TRAITEMENT DES DEMANDES D'ASILE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D'ACCUEIL (art. 1er à 15)
Chapitre Ier Le séjour des bénéficiaires de la protection internationale (art.1er à 3)
Ce chapitre relatif au séjour et à l'intégration des bénéficiaires de la protection internationale et des membres de leur famille vise à renforcer la protection que la France accorde aux bénéficiaires de l'asile.

     L'article 1er crée deux nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (quatre ans au maximum) destinées aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides et de leurs familles (art. 1er ajoutant les art. L. 313-25 et L. 313-26).

    L'article 2 vise à sécuriser l'accès à la carte de résident pour les personnes protégées et pour les membres de leur famille (modifications de l'art. L. 314-11). D'une part, les conditions d'admission au séjour applicables aux membres de la famille sont harmonisées, indépendamment de la nature de la protection accordée à la personne protégée, ce qui permet en particulier de garantir l'admission au séjour des parents d'enfants mineurs reconnus réfugiés. D'autre part, en cohérence avec l'article 1er, une carte de résident est délivrée de plein droit aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides ainsi qu'aux membres de leur famille dès lors qu'ils justifient de quatre années de résidence régulière, c'est-à-dire à l'issue de la carte de séjour pluriannuelle créée par l'article 1er de la loi.

    L'article 3 vise à renforcer l'effectivité de la protection au titre de l'asile lorsque celle-ci est reconnue à un mineur. D'une part, lorsque le mineur reconnu réfugié ou admis au bénéfice de la protection subsidiaire sollicite la réunification familiale au bénéfice de son ou ses parents restés dans son pays d'origine et lorsqu'il est réservé une suite favorable à cette demande, ces derniers, sous réserve qu'ils respectent les principes essentiels de la vie familiale en France, peuvent entrer sur le territoire accompagnés de leurs autres enfants, dont ils ont la charge effective (modification de l'art. L. 752-1). Cette disposition vise à garantir que le droit à la réunification familiale ne s'exerce pas au détriment de l'unité des familles. D'autre part, la transmission des certificats médicaux à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dans le cadre de l'instruction des demandes concernant les mineures invoquant ou protégées au titre du risque de mutilation sexuelle auquel elles sont exposées, est confiée au médecin chargé des examens, et non plus aux parents (modifications des art. L. 752-3 et L. 752-5).

Chapitre II Les conditions d'octroi de l'asile et la procédure devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile (art. 4 à 9)
    L'article 4 modifie la rédaction de l'article 711-2 pour prendre en compte les considérations liées au sexe et pas seulement l'identité de genre s'agissant des motifs de persécution justifiant l'octroi de la protection internationale.

    L'article 5 étend la faculté, pour l'OFPRA, de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié aux cas de condamnations pour des faits graves, notamment de terrorisme, prononcées dans un autre pays de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, "des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales" (modification de l'art. L. 711-6). Il étend aussi l'obligation pour l'autorité judiciaire de communiquer à l'OFPRA ou à la CNDA toute information susceptible de justifier le refus ou la fin du statut de réfugié pour des motifs graves de sécurité nationale (ajout à l'art. L713-5). Il prévoit la possibilité de diligenter des enquêtes administratives et de consulter les fichiers et autres traitements intéressant la sécurité intérieure pour l'application des dispositions du CESEDA relatives aux décisions de refus ou de retrait de la protection au titre de l'asile fondées sur des motifs de menace grave pour l'ordre public (ajouts à L. 114-1 du code de la sécurité intérieure). Les articles L711-4 et L. 712-3 sont modifiés pour prévoir la suppression par l'OFPRA du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire dans les circonstances envisagées, et non plus la possibilité de cette suppression .

    L'article 6 réforme la procédure d'examen des demandes d'asile devant l'OFPRA afin notamment de réduire de cent-vingt à quatre-vingt-dix jours, à compter de l'entrée de l'étranger sur le territoire national, le délai de présentation de la demande d'asile au-delà duquel celle-ci peut être examinée par l'Office selon une procédure accélérée. Les modifications apportées à la procédure d'examen des demandes d'asile devant l'OFPRA participent de l'objectif de maîtrise des délais d'instruction et de dissuasion des demandes pouvant apparaître comme étrangères à un besoin de protection. Ainsi, conformément à la directive « procédures », le délai courant à compter de l'entrée sur le territoire et au-delà duquel le dépôt d'une demande d'asile peut entraîner, à la demande de l'autorité administrative, l'examen de celle-ci selon la procédure accélérée est réduit de cent-vingt à quatre-vingt-dix jours (modifications de l'art. L. 723-2). Dans un objectif de simplification administrative et de célérité des procédures, l'OFPRA est autorisée à adresser la convocation à l'entretien individuel "par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur" (modif. art. L. 723-6). Le demandeur d'asile est entendu par l'OFPRA dans la langue pour laquelle il a manifesté une préférence lors de l'enregistrement de sa demande ou, à défaut, dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante. Lorsque cela est justifié pour le bon déroulement de l'entretien, le demandeur d'asile en situation de handicap peut, à sa demande et sur autorisation du directeur général de l'OFPRA, être accompagné par le professionnel de santé qui le suit habituellement ou par le représentant d'une association d'aide aux personnes en situation de handicap. Les décisions écrites de l'OFPRA peuvent être notifiées par tout moyen, y compris électronique, garantissant la confidentialité et sa réception personnelle par son destinataire (modif. des art. L. 723-8 et autres). La clôture d'examen de la demande est prévue en cas de non introduction de celle-ci auprès de l'office (modif. de l'art. L. 723-13).

    L'article 7 permet aux autorités en charge de l'asile d'organiser, le cas échéant en effectuant des missions sur place, la réinstallation à partir de pays tiers à l'Union européenne de personnes en situation de vulnérabilité relevant de la protection internationale (ajout du chap. "La dimension extérieure de l'asile" comprenant l'art. L. 714-1). Ces personnes sont autorisées à venir s'établir en France par l'autorité compétente.

    L'article 8 est relatif à la procédure devant la CNDA. Il prévoit que les recours contre les décisions de retrait du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, fondées sur des risques de menace grave pour l'ordre public, sont jugés suivant une procédure accélérée et par un juge unique (modif. de l'art. L. 731-2). Il vise à développer l'utilisation des moyens de communication audiovisuelle pour l'organisation des audiences en supprimant l'exigence du consentement des demandeurs d'asile séjournant en France métropolitaine (modif. de l'art. L.733-1). Il apporte des ajustements aux dispositions statutaires du code de justice administrative applicables aux magistrats affectés à la CNDA. D'une part, il aligne les modalités d'accueil des magistrats de l'ordre judiciaire sur les fonctions de président à la CNDA par la voie du détachement sur les dispositions applicables aux présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (modif. de l'art. L. 233-5 du code de justice administrative). D'autre part, en conformité avec la garantie d'inamovibilité des magistrats, il supprime la limitation actuelle à trois ans du mandat des présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel affectés à la CNDA (modif. de l'art. L. 234-3 du CJA).

    L'article 9 étend le réservoir des magistrats pouvant être nommés président d'une formation de jugement de la CNDA (modifications de l'art. L. 732-1).

Chapitre III L'accès à la procédure et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile (art. 10 à 15)
    L'art. 10 est relatif à la procédure d'enregistrement des demandes d'asile. Il ajoute un nouveau cas dans lequel la CNDA peut annuler une décision du directeur général de l'office et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile : le défaut d'interprétariat dont le requérant peut se prévaloir sous certaines conditions (ajout à l'art. L. 733-5). La demande d'asile présentée par un étranger accompagné de ses enfants mineurs est regardée comme étant présentée également pour les enfants afin d'éviter ainsi les demandes successives qui contribuent à ralentir la durée d'instruction des demandes d'asile (ajout à l'art. L. 741-1). Il est désormais précisé qu'il est demandé, dès l'enregistrement de la demande, la langue dans laquelle le demandeur préfère être entendu tout au long de la procédure d'asile, sans préjudice de la possibilité laissée à l'OFPRA ou la CNDA, le cas échéant, d'avoir recours à toute autre langue dont l'intéressé a une connaissance suffisante (ajout de l'art. L. 741-2-1). Ce dernier pourra être entendu en français à tout moment et objecter un défaut d'interprétariat lors de son entretien à l'Office, le cas échéant, devant la CNDA et dans le délai de recours.

    L'article 11 rétablit à quinze jours, à compter de la notification, le délai dont dispose l'étranger pour demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert vers l'État responsable de l'examen de la demande d'asile (à partir du 1er janvier 2019) (modif. de l'art. L. 742-4). Ce délai avait été fixé à sept jours par la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 (voir ci-dessous).

    L'article 12 est relatif au droit au maintien sur le territoire pendant l'examen de la demande d'asile (modif. des art. L. 743-1 et s.). D'une part, il précise que le droit au maintien cesse dès la lecture en audience publique de la décision de la CNDA. D'autre part, il aménage le régime juridictionnel applicable à certaines décisions de rejet prises par l'OFPRA en procédure accélérée, avec pour objectif de paralléliser les interventions du juge de l'asile et du juge de l'éloignement. Cela vise le cas des demandeurs ressortissants de pays d'origine sûrs, de ceux dont la demande de réexamen aura été rejetée et de ceux présentant une menace grave pour l'ordre public. En application de ces dispositions, le recours devant la CNDA n'a plus un caractère automatiquement suspensif. L'étranger, placé en rétention ou assigné à résidence en vue de l'exécution d'une obligation de quitter le territoire, notifiée antérieurement à la décision de rejet de l'office, peut saisir le tribunal administratif de conclusions tendant à ce que soit prononcée la suspension de l'exécution de cette mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la CNDA ou, si celle-ci a été saisie, jusqu'à la lecture de sa décision ou notification le cas échéant. Si le tribunal administratif prononce la suspension de la mesure d'éloignement, la mesure de placement en rétention ou d'assignation sera également suspendue. L'article 12 ajoute à l'article L. 743-2 plusieurs nouveaux cas de dérogation au principe fixé à l'article L. 743-1, selon lequel le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Il en va ainsi en cas de rejet par l'office d'une demande de réexamen pour irrecevabilité. Il en va de même, en cas de rejet en procédure accélérée par l'office d'une demande émanant d'une personne provenant d'un pays sûr, d'une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable ou d'une demande émanant d'une personne dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État. Il en va de même, en cas de rejet par l'office d'une demande d'une personne faisant l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire.

    L'article 13 est relatif aux conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile (modifications des art. L. 744-1 et s., insertion de l'art. L. 744-9-1). Il vise à assurer une répartition plus équilibrée des demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire. En ce sens, il prévoit que le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile détermine la part de chaque région dans l'accueil des demandeurs d'asile et permet d'orienter en fonction du schéma défini, et sur la base d'une appréciation individuelle, les demandeurs vers une région où ils sont tenus de résider pour bénéficier des conditions matérielles d'accueil. Les conditions d'attribution, de retrait, de suspension et de refus des conditions matérielles d'accueil sont revues. Ainsi, il est notamment précisé que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil est accordé tant que le demandeur a droit au maintien sur le territoire.

    L'article 14 insère un article L. 751-3 prévoyant que dans l'attente de la fixation définitive de son état civil par l'OFPRA, le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire peut solliciter le bénéfice des droits qui lui sont ouverts en application du code du travail, du code de la sécurité sociale, du code de l'action sociale et des familles ou du code de la construction et de l'habitation, sur la base de la composition familiale prise en compte dans le cadre de la procédure d'asile.

    L'article 15 prévoit que pour l'accès aux centres provisoires d'hébergement, il est tenu compte de la vulnérabilité de l'intéressé, de ses liens personnels et familiaux et de la région dans laquelle il a résidé pendant l'examen de sa demande d'asile (ajout à l'art. L. 349-3 du code de l'action sociale et des familles).

TITRE II ADAPTER L'APPLICATION DU DROIT DU SOL POUR L'ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE À MAYOTTE (art. 16 et 17)
    Les articles 16 et 17 établissent une condition supplémentaire, spécifique à Mayotte, pour l'acquisition de la nationalité par un enfant né de parents étrangers, à raison de sa naissance et de sa résidence en France, en exigeant que, au moment de la naissance, l'un des parents réside en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois. Ils rétablissent, dans une nouvelle rédaction, les articles 2493, 2494 et 2495 du code civil afin d'adapter à Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France et créent une dérogation au principe du droit du sol à Mayotte. L'article 2493 du code civil adapte, pour un enfant né à Mayotte, les conditions d'application des articles 21-7 et 21-11 du même code. Selon ces deux derniers articles, tout enfant né en France de parents étrangers peut acquérir la nationalité française, soit de plein droit à partir de ses dix-huit ans, soit sur réclamation à partir de treize ou seize ans, à condition d'avoir sa résidence en France et d'y avoir eu sa résidence habituelle pendant une période d'au moins cinq ans depuis, selon le cas, l'âge de huit ou onze ans. En application du nouvel article 2493, ces dispositions ne sont applicables à un enfant né à Mayotte que si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. L'article 2494 du code civil précise les conditions d'application de ces nouvelles règles aux enfants nés à Mayotte avant l'entrée en vigueur de la loi. Il prévoit, par renvoi à l'article 17-2 du même code, que ces règles sont applicables à ces enfants, mais qu'ils peuvent également acquérir la nationalité française si l'un de leurs parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux articles 21-7 et 21-11. L'article 2495 du code civil définit les modalités de preuve de la nouvelle condition posée à l'article 2493. Il prévoit qu'à la demande de l'un des parents et sur présentation de justificatifs, la mention de la régularité du séjour en France au jour de la naissance de l'enfant est portée sur son acte de naissance par l'officier de l'état civil et que, en cas de refus de ce dernier, le parent peut saisir le procureur de la République afin qu'il ordonne cette mesure de publicité, en marge de l'acte.

TITRE III RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE (art. 18 à 39)
Chapitre Ier Les procédures de non-admission (art. 18 à 22)
    L'article 18 donne la possibilité à l'étranger non admis sur le territoire français de refuser d'être rapatrié avant l'expiration du délai d'un jour franc, ce dont il est fait mention sur la notification (ajouts à l'art. L. 213-2). L'étranger mineur non accompagné d'un représentant légal ne peut être rapatrié avant l'expiration du même délai. Cela n'est pas applicable aux refus d'entrée notifiés à Mayotte ou à la frontière terrestre de la France. Une attention particulière doit être accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, accompagnés ou non d'un adulte.

    L'article 19 prévoit qu'en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures prévue au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), les décisions de refus d'entrée en France peuvent être prises à l'égard de l'étranger qui, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et a été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà (ajout de l'art. L. 213-3-1). Les modalités de ces contrôles sont définies par décret en Conseil d'Etat.

    L'article 20 supprime l'exigence du consentement des demandeurs d'asile séjournant en France métropolitaine pour l'emploi de moyens de communication audiovisuelle, d'une part, s'agissant de l'examen par le tribunal administratif du recours formé contre la décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et, le cas échéant, contre celle de transfert vers l'État responsable de l'examen de la demande d'asile (modif. de l'art. L. 213-9) et, d'autre part, s'agissant de l'autorisation par le juge des libertés et de la détention de la prolongation du maintien en zone d'attente d'un étranger et du recours formé contre la décision de ce juge (modif. des art. L. 222-4 et L. 222-6)..

    L'article 21 est relatif aux conditions de recours contre la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur la prolongation du maintien d'un étranger en zone d'attente. Il allonge de six à dix heures, aux articles L. 222-5 et L. 222-6, le délai pendant lequel un étranger placé en zone d'attente peut continuer d'y être maintenu provisoirement à disposition de la justice, en dépit de la décision du juge des libertés et de la détention refusant la prolongation de son maintien en zone d'attente, afin que le ministère public puisse, s'il forme appel de cette décision, saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande tendant à voir déclarer son appel suspensif.

    L'article 22 actualise la référence à un règlement de l'Union européenne (modif. de l'art. L. 611-3).

Chapitre II Les mesures d'éloignement (art. 23 à 27)
    L'article 23 précise les situations caractérisant un risque de fuite d'un étranger justifiant que l'administration prononce à son encontre l'obligation de quitter sans délai le territoire français (modif. de l'art. L. 511-1). En coordination avec l'article 44 de la loi qui dispose qu'un étranger qui a déposé une demande d'asile et qui souhaite solliciter par ailleurs un titre de séjour doit effectuer cette seconde démarche parallèlement à sa demande d'asile, il précise qu'en cas de rejet de la demande d'asile et de la demande de titre de séjour, l'étranger doit faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1. Il étend, conformément à la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite « retour », les motifs de refus du délai de départ volontaire à l'étranger qui présente un risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement, tel que défini au 3° du I de l'article L. 511-1. Il prévoit que le risque peut être regardé comme établi lorsqu'un étranger a utilisé un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage établi sous un autre nom que le sien, et pas seulement s'il a lui-même contrefait, falsifié ou établi ce document. Il illustre les circonstances révélant l'absence de garanties de représentation suffisantes, résultant notamment du refus de l'étranger de coopérer avec l'autorité administrative. Afin de lutter contre les mouvements secondaires non autorisés entre les États membres de l'Union européenne, il insère un nouveau motif de risque de soustraction prenant en compte le cas de l'étranger qui, entré irrégulièrement dans l'espace Schengen, fait l'objet d'une mesure d'éloignement dans un autre État membre ou s'y est maintenu irrégulièrement. Un risque de soustraction est aussi établi dès lors que l'étranger a déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. Il prévoit que l'interdiction de retour prend effet à l'exécution effective de l'obligation de quitter le territoire français, c'est-à-dire lorsque l'étranger a rejoint un pays tiers à l'Union européenne et à l'espace Schengen, afin de renforcer l'efficacité de la mesure en conformité avec le droit de l'Union européenne. Il annonce que les modalités de constat de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français seront prévues par voie réglementaire. Il prévoit que l'autorité administrative prononce d'interdiction de retour lorsque l'étranger ne bénéficie pas d'un délai de départ volontaire ou lorsqu'il n'a pas respecté ce délai, sauf circonstances humanitaires.

    L'article 24 modifie les conditions dans lesquelles le tribunal administratif statue sur un recours contre une obligation de quitter le territoire français notifiée à un étranger détenu, en fixant le délai à huit jours à compter de l'information du tribunal par l'administration, afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juin 2018 n° 2018-709 QPC (modif. de l'art. L. 512-1). Par ailleurs, en cohérence avec la modification du délai accordé au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la prolongation de la rétention, il d'allonge le délai de jugement accordé au juge administratif, en le faisant passer de soixante-douze heures à compter de sa saisine à quatre-vingt seize heures à compter de l'expiration du délai de recours, pour statuer sur les obligations de quitter le territoire concernant des étrangers faisant l'objet d'une mesure de surveillance. Il supprime l'exigence de consentement du requérant pour le recours à des moyens de communication audiovisuelle s'agissant de l'examen par le tribunal administratif du recours formé par l'étranger placé en rétention administrative, assigné à résidence ou détenu, contre une obligation de quitter le territoire français et ses décisions connexes ou contre la décision d'assignation à résidence (modif. de l'art. L. 512-1).

    L'article 25 permet désormais à un étranger placé en rétention de solliciter une aide au retour (modif. de l'art. L. 512-5). Cette circonstance ne peut toutefois justifier, à elle seule, que le juge mette fin à sa rétention.

    L'article 26 permet à l'autorité administrative de contraindre l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et auquel un délai de départ volontaire a été accordé, à résider dans un lieu désigné pendant le délai de départ (ajouts à l'art. L. 513-4).

    L'article 27 est relatif aux mesures prises dans le cadre de l'Union européenne et de la convention de Schengen (modif. de l'art. L. 531-1). Il vise, avec l'objectif de lutter contre le développement des flux secondaires au sein de l'espace de libre circulation, à permettre à l'autorité administrative compétente d'assortir, par une décision motivée, la décision de remise prise en application de la convention de Schengen à l'encontre d'un étranger titulaire d'un titre de séjour dans un autre Etat membre de l'Union européenne, d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. Afin de garantir la proportionnalité de la mesure, le prononcé et la durée de l'interdiction doivent être fixés en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'un mesure d'éloignement du territoire français et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France.

Chapitre III Les garanties relatives aux mineurs (art. 28)
    L'article 28 inscrit dans la loi l'interdiction de placer en rétention administrative l'étranger mineur de dix-huit ans (ajouts à l'art. L. 551-1). Il ne peut être retenu que s'il accompagne un étranger placé en rétention. Toutefois, si les conditions de placement d'un étranger en rétention ne s'appliquent pas lorsqu'il est accompagné d'un mineur, il en va autrement dans trois hypothèses déjà prévues : si étranger n'a pas respecté les conditions d'une précédente mesure d'assignation à résidence ; si l'étranger a pris la fuite ou opposé un refus à l'occasion de la mise en œuvre d'une mesure d'éloignement ; si, en considération de l'intérêt du mineur, le placement en rétention de l'étranger, dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé, préserve l'intéressé et le mineur des contraintes liées aux nécessités du transfert. I

Chapitre IV La mise en œuvre des mesures d'éloignement (art. 29 à 34)
Ce chapitre vise à garantir le respect des finalités de la rétention administrative et de l'assignation à résidence, à savoir s'assurer de l'éloignement effectif d'un étranger en situation irrégulière.
    L'article 29 modifie les conditions de prolongation d'une mesure de rétention administrative prise à l'encontre d'un étranger sous le coup d'une mesure d'éloignement en l'allongeant à quatre-vingt-dix jours au maximum (modif. de l'art. L. 552-7). Il prévoit la prise en compte du handicap moteur, cognitif ou psychique et des besoins d'accompagnement de l'étranger pour déterminer les conditions de son placement en rétention (modif. de l'art. L. 551-1). Il modifie l'article L. 552-1 pour ouvrir au juge des libertés et de la détention un délai de quarante-huit heures pour statuer sur la requête du préfet aux fins de prolongation de la rétention. Il doit par ailleurs informer, sans délai et par tous moyens, le tribunal administratif saisi d'une requête contre la mesure d'éloignement, du sens de sa décision. Il modifie le régime de l'assignation à résidence décidée par le juge des libertés et de la détention lorsque ce dernier met fin au maintien en rétention administrative et étend l'obligation de motivation spéciale mise à la charge du juge par l'article L. 552-4 en vigueur dès lors que l'étranger s'est précédemment soustrait à une mesure d'éloignement, quand bien même celle-ci ne serait plus en vigueur. Il précise les éléments qu'il incombe au juge de considérer dans le cadre de son appréciation des exigences de garanties de représentation effective lorsqu'il assigne l'étranger à résidence. La modification apportée l'invite en particulier à s'assurer de ce que le lieu envisagé pour l'assignation à résidence est un local affecté à l'habitation principale de l'intéressé, à l'exclusion de tout autre habitat informel (notamment les campements). Il porte à dix heures le délai dans lequel le ministère public, à compter de la notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention mettant fin au maintien en rétention de l'étranger, peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif si l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou présente une menace grave pour l'ordre public. Il rappelle les garanties dont l'étranger dispose pendant cette durée pendant laquelle l'étranger est maintenu à la disposition de la justice (contacter son avocat, un tiers, voir un médecin, s'alimenter). Il augmente la durée maximale de rétention à quatre-vingt-dix jours, en portant à trente jours la durée de la deuxième prolongation de la rétention. Il renforce l'efficacité de l'éloignement en permettant de prolonger à titre exceptionnel la rétention administrative au-delà de cette limite pour contrer les stratégies d'obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement dans les derniers jours de la rétention. Il s'agit d'autoriser, lorsque l'étranger fait obstruction à l'exécution de la décision d'éloignement, fait valoir qu'il ne peut être éloigné en raison de son état de santé ou dépose une demande d'asile, la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la rétention pour une nouvelle période de quinze jours. Si, au cours de cette période, il est à nouveau fait échec à l'éloignement par une obstruction ou une nouvelle demande de protection formée par l'intéressé, le juge peut être saisi dans les mêmes conditions. Il est toutefois prévu que la rétention ne peut faire l'objet de plus de trois prolongations sur ce fondement.

    L'article 30 prévoit que le décret en Conseil d'Etat qui définit les modalités selon lesquelles les étrangers maintenus en rétention bénéficient d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ, précise aussi les conditions d'accessibilité adaptées aux lieux de rétention.(ajouts à l'art. L. 553-6).

    L'article 31prévoit, dans le cas où l'étranger faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire n'est plus assigné à résidence, la possibilité pour l'autorité administrative de lui imposer des obligations en vue de permettre la mise à exécution de l'interdiction du territoire : déclaration du lieu de résidence, présentation sur convocation aux services de police ou aux unités de gendarmerie et aux services consulaires (ajouts aux art. L. 513-5 et L. 541-3). Il étend la possibilité, prévue à l'actuel article R. 561-2 du CESEDA, de désigner à l'étranger assigné à résidence, aux fins de préparation de son départ, une plage horaire pendant laquelle il devra rester à son domicile. Cette période ne pourra excéder trois heures que lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (ajouts à l'art. L. 561-1).

    L'article 32 dispose que durant le délai reconnu au juge pour déclarer le recours de l'appel du ministère public suspensif ou après le prononcé de l'ordonnance, jusqu'au jugement au fond, l'étranger peut, s'il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter (modif. de l'art. L. 552-10).

    L'article 34 est relatif à l'exécution des mesures d'éloignement prononcées pour des motifs de menace grave à l'ordre public (expulsion, interdiction judiciaire du territoire, interdiction administrative du territoire). Il prévoit que l'examen ou la présentation d'une demande d'asile n'empêche pas le prononcé d'une mesure de surveillance (assignation à résidence ou, en cas de risque de fuite, rétention administrative). Le dispositif vise à prévenir les présentations de demandes d'asile uniquement en vue de faire échec à l'exécution d'une des mesures d'éloignement précitées, tout en préservant le droit à l'examen de la demande d'asile et en garantissant, en cas de rejet, un contrôle juridictionnel avant toute exécution de la mesure d'éloignement. Il insère ainsi un article L. 571-4 disposant que le demandeur d'asile qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire ou d'une interdiction administrative du territoire, et dont la demande d'asile est en cours d'examen ou a été présentée postérieurement à la notification de cette mesure, peine ou interdiction peut être assigné à résidence ou placé en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'OFPRA et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité, dans l'attente de son départ. En cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité par l'office, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, demander au président du tribunal administratif de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement. Le même article 34 insère dans le code de justice administrative un chapitre intitulé « Le sursis à exécution des mesures d'éloignement visant les demandeurs d'asile » comprenant un article L. 777-4 relatif aux modalités selon lesquelles le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il a désigné examine les demandes de sursis à exécution présentées en application du III de l'article L. 571-4 du CESEDA ou du deuxième alinéa de l'article L. 743-4 du même code par les demandeurs d'asile assignés à résidence ou placés en rétention administrative.

Chapitre V : Contrôles et sanctions (art. 35 à 39)
    L'article 35 renforce les mesures de contrôle et de sanction en ce qui concerne la police des étrangers, notamment la vérification de leur droit de séjour et de circulation sur le territoire français. La durée maximale de la retenue d'un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français est portée de seize à vingt-quatre heures (modif. de l'art. L. 611-1-1).

    L'article 36 modifie la rédaction de l'article L. 624-1-1 et dispose que tout étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire, d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français encourt une peine de trois ans d'emprisonnement. Cette peine est aussi applicable à l'étranger qui refuse de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l'exécution d'office de la mesure dont il fait l'objet. Elle s'applique encore à l'étranger qui, expulsé ou ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, d'une interdiction administrative du territoire, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français, pénètre de nouveau sans autorisation en France.

    L'article 37 élargit l'interdiction du territoire français à de nouvelles infractions (ajouts dans le code pénal des articles  223-21 et  224-11). D'une part, l'interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l'encontre de tout étranger coupable de l'une des infractions prévues à la section 5 du présent chapitre. D'autre part, l'interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l'encontre de tout étranger coupable de l'une des infractions prévues au présent chapitre. 

    L'article 38 revoit le "délit de solidarité" en étendant le champ de l'immunité pénale à l'aide à la circulation irrégulière d'un étranger, outre l'aide au séjour irrégulier et à toute autre aide de toute personne physique ou morale lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire (modif. de l'article L. 622-4. Il tient ainsi compte de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018 (n° 2018-717/718 QPC). L'article L. 622-4 prévoit divers cas d'exemptions pénales en faveur des personnes mises en cause sur le fondement du délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger prévu à l'article L. 622-1 du même code. 

    L'article 39 aggrave les peines pour faux lorsque l'infraction est commise en vue d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement (modif. de l'art. 441-7 du code pénal).

Suite ...



Décision du Conseil Constitutionnel
CC 6 septembre 2018 Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie n° 2018-770 DC

Rubriques :  étrangers / défense, police, sécurité civile / contentieux / sécurité sociale et action sociale / travail et emploi

Commentaires
VANDENDRIESSCHE Xavier, La loi Immigration et asile, une nouvelle occasion manquée ?, AJDA, 2018, 19 nov., pp. 2234-2245.

Voir aussi :
Loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen - Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France - CC 6 juillet 2018 M. Cédric H. et autre [Délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger] n° 2018-717/718 QPC - Décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 pris pour l'application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière et au traitement de la demande d'asile - Décret n° 2019-141 du 27 février 2019 pris pour l'application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives au séjour et à l'intégration des étrangers


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